François BOUCHER   (1703-1770)

Saint Barthélémy

Le saint est identifié par son attribut symbolique qui rappelle son martyre

Ainsi Barthélémy tient le couteau qui l’écorcha vif

Saint Barthélémy a exercé son apostolat et trouvé la mort en Inde ou en Arménie

 

La surprise

Le plus mystérieux tableau de Boucher

Déjà au 16ème siècle les catalogues ne savaient pas décrire le sujet

Le peintre s’est attardé avec complaisance sur les tissus et leurs motifs

Les touches du pinceau sont effleurées par à-coups

 

Jeune couple buvant

Le couple est vêtu de véritables habits de paysans enjolivés

Il ne s’agit pas d’un berger ou d’une bergère

La jeune fille n’a pas la houlette traditionnelle et n’est aucunement associée aux moutons

Les raisins, les pèches et le panier de fleurs sont liés à elle

Le verre levé semble donc une célébration des bienfaits de la nature

Contraire à la bienséance de voir un homme et une femme, même d’extraction aussi humble, buvant ensemble avec tant d’abandon

Il faut y reconnaître une illustration de la dangereuse association du vin et de l’amour

Les moutons semblent bêler pour protester contre leur abandon

Le chien a l’air effarouché

Ardeur rusée du garçon

Crainte légèrement teintée d’ivresse de la fille

Bethuel accueillant le serviteur d’Abraham

Une des scènes de vies des patriarches de l’Ancien Testament auxquelles Boucher se consacra pendant les années qui précédèrent son séjour en Italie

Il partit pour Rome en 1727

Bethuel, père de Laban et de Rebecca, reçoit le serviteur d’Abraham (Eliezer) tandis que les suivantes admirent les bijoux offerts à Rebecca

Eliezer emmènera Rébecca, destinée à Isaac, fils unique d’Abraham

La dynamique de la facture de Boucher est apparente dans les arbres

 

 

Le sacrifice de Gédéon

La peinture est posée en touches libres, presque brutales

Effet de clair-obscur prononcé

Selon le livre des Juges, Gédéon demanda qu’un signe lui confirme qu’il est bien l’élu de Dieu pour délivrer Israël des Madianites

Un ange vient allumer avec un bâton le feu du sacrifice

 

Les oies de Frère Philippe

Histoire tirée de l’introduction au Quatrième jour du Decameron de Boccace

Frère Philippe, veuf devenu ermite, avait élevé son fils unique loin du monde, pour l’en préserver des dangers

La première fois qu’il l’emmena à la ville le jeune homme fit montre d’une inépuisable curiosité.

Ils vinrent à croiser un groupe d’élégantes jeunes femmes et le jeune homme qui de sa vie n’avait pas vu de femme demanda à son père quelle espèce c’était là.

C’est un oiseau qu’on appelle une oie dit le père. Oh ! dit le fils attiré par ce volatile inconnu « Pourquoi ne pas en ramener une et l’engraisser ? »

L’utilisation de la gouache permet de voir en cette œuvre un essai de jeunesse

 

 

Noé entrant dans l’arche

Yahvé dit à Moïse « Entre dans l’arche, toi et toute ta famille, car je t’ai vu seul juste à mes yeux parmi cette génération

Tu prendras des animaux pour perpétuer la race sur toute la terre

J’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits »

Noé fit tout ce que Yahvé lui avait commandé

Noé avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, entra dans l’arche pour échapper aux eaux du déluge

 

 

Le sacrifice de Noé

Noé construisit un autel à Yahvé

Il prit de tous les animaux purs et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l’autel

Yahvé respira l’agréable odeur et il se dit en lui-même « Je ne maudirai plus jamais la terre à cause de l’homme »

 

Hercule et Omphale

Au 19ème siècle naquit la légende selon laquelle Boucher aurait peint une série de tableaux érotiques pour Madame de Pompadour afin de stimuler les sens blasés de Louis XV

En fait c’est Madame de Pompadour qui eut recours à un régime exotiques de chocolat à la vanille, de truffes et de céleri dans l’espoir de ranimer l’ardeur du roi

Fougue des lignes

Couleurs ardentes des chairs

Hercule désarmé est asservi par sa passion pour la reine Omphale

 

 

L’enlèvement d’Europe

« Vous faites le paysage comme un ange. J’entends d’ici le bruit du torrent »

Une moisson de fleurs aux vives couleurs

Coloris chaud et riche

Facture souple et fluide

 

Venus demande à Vulcain des armes pour Enée

Facture pleine d’assurance et de hardiesse

Palette réduite à des éclats d’une couleur forte et acidulée

Sensualité du tableau

Pose lascive de Venus qui devait redoubler de séduction pour obtenir d’un mari bafoué des armes pour son fils illégitime

Pose cambrée de la nymphe

Grâce à ce tableau Boucher prit une place prépondérante dans l’école française

 

 

 

La halte à la fontaine

Les bâtiments à l’arrière-plan ainsi que les ruines à l’antique et le pin parasol sont des souvenirs de paysages italianisants qui influencèrent la peinture de Boucher

On est frappé par l’harmonie de la composition et la fluidité de la touche

 

 

Le bonheur au village

Ce tableau aurait été peint avec trois autres pour le duc de Richelieu, « le joyeux compagnon de ses plaisirs »

Les bâtiments à l’arrière-plan sont des paysages italianisants qui marquèrent le retour de Boucher d’Italie

Facture ample et intensité du coloris

Dans le personnage endormi près d’une gourde on retrouve l’écho des premières scènes paysannes de Boucher

 

La chasse au léopard

Par ce tableau peint en 1736 Boucher sut plaire au roi

La vitalité de la matière picturale rend le paysage incomparable

Boucher avait reçu la commande d’une chasse au tigre

Au 18ème siècle le mot tigre désignait les fauves striés et tachetés

La boule de verre posée à terre remplaçait les petits que l’on avait enlevés au tigre

Les fauves y voyaient reflétée leur propre image en réduction et pouvaient les rouler en jouant avec comme s’il s’agissait de leur portée

Cette idée naïve situe la chasse exotique dans le domaine du rêve

 

 

Renaud et Armide

Ce tableau a été soumis par Boucher afin d’être reçu le 30 janvier 1734 par l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture

Au premier plan des colonnes baguées héritées de Rubens mais souvent utilisées par Watteau

Boucher pour prouver que rien ne rebutait sa virtuosité a accumulé des éléments disparates (armure, peau de tigre, rideau, miroir, fleurs, sculpture) au risque d’en étouffer la composition

Pose provocante d’Armide sommairement drapée

Boucher avait pris pour thème un épisode de la Jérusalem délivrée du Tasse

Dans ce récit romancé de la première croisade, la jeune sarrasine Armide, s’étant éprise du croisé Renaud le retient captif dans son domaine enchanté

Deux de ses compagnons tentent de le délivrer

Le tableau décrit le moment où les croisés surprennent Renaud éperdu de sa passion reflétée dans le regard d’Armide

Le décor architectural élaboré symbolise le palais enchanté d’Armide et la flèche que le petit Cupidon darde vers Renaud la fatale passion

Lully avait rencontré un grand succès en écrivant la musique d’Armide et Renaud

 

 

De trois choses en ferez-vous une ?

Ce tableau est l’une des premières variations sur le thème pastoral des amours adolescentes

Longues boucles retenues par un ruban de l’ardent et pressant jeune homme

 

Le repos des fermiers

Coloris riche et intense

Facture précise s’inspirant de modèles hollandais

L’ouverture sur l’horizon à gauche montre le château et les fermes

Enfant un peu cocasse enfoui sous un grand chapeau

 

La belle cuisinière

Dès son retour d’Italie Boucher s’intéressa au thème des amours adolescentes

Influence hollandaise car les hollandais s’étaient spécialisés dans les scènes de ce genre

Mais plus que des types de personnages ou une classe sociale qu’évoquaient les hollandais, Boucher s’attache à montrer des rapports humains tout en suggérant que le bonheur s’épanouit mieux dans un cadre modeste

Beaucoup de natures mortes

Boucher utilise surtout la nature morte pour renforcer l’atmosphère de simplicité rustique de ses tableaux

Selon le répertoire hollandais les œufs nichés dans le tablier de la jeune fille, dont l’un est brisé, sont le signe que la virginité de la jeune fille est menacée

 

La belle villageoise

On reconnaît les détails caractéristiques de l’influence hollandaise (comme ici la mère aidant son enfant à se soulager) mais ces détails sont empreints chez Boucher d’une sympathie pour ses personnages que l’on chercherait en vain chez les hollandais

Foisonnement du décor et importance accordée aux natures mortes

 

 

 

Le peintre de paysage

Depuis la Renaissance il était de tradition que les peintres représentent leurs confrères ou eux-mêmes ou toute autre activité artistique de la manière la plus flatteuse (Saint Luc peignant la Vierge)

L’artiste était représenté à la tête d’un atelier ou seul en personnage élégant voué à la pratique d’un art noble et libre et non en modeste artisan

Boucher rompt avec cette tradition en peignant un artiste seul devant son chevalet dans un galetas

Le jeune peintre a fait jaillir sur la toile tout un paysage sans autre aide qu’un croquis sommaire dans le carnet posé près de lui

Le message est que le peintre ne peut se fier qu’à son imagination pour créer ou recréer son sujet

Ce message est renforcé par le contraste entre le fouillis un peu sordide de l’atelier et l’œuvre surgie du chevalet

 

 

Vue imaginaire des Jardins Farnèse

L’alliance d’un décor italien romancé et de personnages et animaux franchement rustiques confère à ce tableau sa saveur et son charme

 

 

Le déjeuner

On peut regretter que Boucher abandonna la carrière de peintre de genre

On a longtemps considéré le Déjeuner comme une représentation du peintre et de sa famille

En 1733 Boucher avait épousé Marie-Jeanne Buseau (17ans)

Ils avaient eu une fille en 1735 et leur seul fils en 1736. Leur seconde fille naquit en 1740

La femme buvant du café semble avoir les traits de Madame Boucher

La femme qui donne à manger à l’enfant pourrait être la sœur du peintre

Difficile de penser que l’homme qui sert est un autoportrait même si Louis XV éprouvait du plaisir à faire du café dans l’intimité

Boucher aurait pu porter un tablier pour faire de même

L’impression laissée par une famille dans son intimité à un des moments de la journée pleins de décontraction est traduite par le regard de l’enfant qu’on fait manger et qui fixe le spectateur comme s’il s’agissait d’un instantané photographique et non du travail laborieux du peintre

Multitude de détails :

- Le bourlet porté par le jeune enfant de droite qui le protège des coups sur la tête

- Sa petite poupée qui annonce les pantins découpés que Boucher allait colorier sept ans plus tard

- La cafetière en argent renflée au bec élevé dont la forme permettait de retenir le marc

- La théière et le magot (figurine trapue de l’Extrême Orient) placés sur l’étagère derrière lui

Le tableau est l’évocation d’un intérieur rococo à la mode

 

 

Dame attachant sa jarretière et sa servante

Le peintre montre dans son élégant désordre le boudoir d’une jeune femme à la mode à sa toilette

L’Extrême Orient est en évidence dans le tissu des feuilles du paravent, dans le service à thé et la cassolette posée sur la cheminée

 

 

Diane au bain

L’attitude gracieuse de Diane est l'une des plus séduisantes trouvailles de Boucher

Le mariage chinois

Boucher montrait un grand enthousiasme pour tous les sujets chinois

Goncourt « Il fit de la Chine une des provinces du Rococo »

En Europe le goût de la chinoiserie entretenu par les importations de soieries et de porcelaines d’Extrême Orient aurait pu favoriser la connaissance et l’imitation des véritables modèles chinois

En fait il légitima une certaine forme de décoration grotesque et l’invention fantastique sans ne plus avoir à se soumettre à des canons esthétiques stricts

Le genre chinois prit son essor en France au 18ème siècle

Les sources où Boucher puisa l’inspiration de ces tapisseries chinoises dont de plus mystérieuses

On suppose l’accès à des documents photographiques de première main

On pense qu’il s’agit de dessins ramenés par l’artiste jésuite Attiret qui fut envoyé en Chine à la fin de l’année 1737

Pour inventer la Chine Boucher regardait les porcelaines, laques ou papiers peints qu’il possédait

 

 

L’audience de l’empereur chinois

L’Audience de l’empereur nous montre le potentat sous un baldaquin qui ne déparerait pas un lit à la polonaise flanqué d’une paire qui n’est autre que la réplique de celui de Saint Pierre de Rome

Les chapeaux de paille sur la gauche viennent des tableaux de Bassan (1510-1592)

La cassolette à encens placée devant eux repose sur un piédestal du plus pur style antique

 

 

Le jardin chinois

Le Jardin chinois donne l’impression d’une plus grande authenticité, ce genre de scène se prêtant mieux à une imitation de la peinture décorative chinois

 

 

L’odalisque brune

Il flotte un parfum d’exotisme oriental dans l’entassement des moelleux coussins qui composent le lit, la petite table d’une forme inhabituelle où repose une cassolette, le paravent bas recouvert d’un tissu d’Orient, les plumes de la jeune femme

On y voyait une étude académique élaborée de la pose classique des naïades et nymphes au bain

Il n’était pas habituel à l’époque de peindre simplement un nu sans la moindre référence mythologique

Le visage aux traits individualisés du modèle fait penser à un portrait

Il pourrait s’agir d’un portrait de la femme de Boucher

Tous les portraits de Boucher qui nous sont parvenus témoignent d’un lien étroit avec le modèle

Les bibelots chinois évoquent ceux que collectionnait Boucher

Diderot fut très critique :

« Une femme toute nue étendue sur des oreillers, jambes deçà, jambes delà, offrant la tête la plus voluptueuse, le plus beau dos, les plus belles fesses, invitant au plaisir et y invitant par l’attitude la plus facile, la plus commode, à ce qu’on dit même la plus naturelle ou du moins la plus avantageuse … »

 

 

La marchande de mode. Le matin

Ce tableau peint en 1746 est la dernière scène d’intérieur par Boucher

La commande du comte Tessin : « Le Matin sera une femme qui a fini avec son friseur, gardant encore son peignoir, et s’amusant à regarder des brimborions qu’une marchande de mode étale »

En 1747 Boucher se plaignit que sa vue baissait ce qui rendait plus difficile la peinture de scènes de genre.

Les collectionneurs des sujets d’intérieur exigeaient un fini digne de la peinture hollandaise

Boucher jugeait ce travail astreignant et il renonça sauf pour Madame Pompadour à peindre des portraits et des sujets religieux

 

 

 

Portrait de Madame Bergeret

Boucher peignait avec difficulté des portraits ressemblants

Les portraits masculins l’embarrassaient particulièrement

Il était plus difficile de jouer sur la vanité et d’idéaliser les traits comme il le faisait pour les femmes en déplaçant l’intérêt vers le luxe de la toilette et les accessoires

L’identité du modèle n’est pas fermement établie

Ce tableau pourrait être la première peinture de Madame de Pompadour par Boucher, un an après qu’elle devint la maîtresse du roi

Il pourrait être aussi le portrait de l’une des trois femmes de Pierre Bergeret, fermier général

 

 

L’enlèvement d’Europe

Ce tableau fut réalisé dans le cadre d’un concours dont l’objet était de rétablir le prestige de la peinture d’histoire

Onze peintres participèrent au concours

Il n’y eut pas de gagnant car pour éviter les jalousies la bourse fut partagée entre tous les participants

Europe, séduite par la docilité du taureau, s’asseoit sur son échine

Boucher combine la mer et la terre, les compagnes d’Europe, des tritons et une néréide

Des amours s’ébattent dans le ciel où flotte une draperie

L’aigle de Jupiter surveille la transformation de son maître

Le rocher au loin doit représenter l’île de Crète où Europe fut emmenée

Expression ordinaire, presque triviale d’Europe selon certains critiques