Académie des Sciences, Agriculture,

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LES RESUMES DES COMMUNICATIONS DU MARDI

ANNEE 2018/2019

 

 

ACADÉMIE  D'AIX

 

Sciences, agriculture,

arts et belles-lettres

Le mardi 4 juin 2019,

 

l’Académie a entendu Monsieur le professeur Henri Lavagne d’Ortigue,

membre de l’Institut, donner sa communication

Un nouveau portrait de Pereisc par Claude Mellan.

 

 Le professeur Lavagne d’Ortigue transmet d’abord à l’assemblée le meilleur souvenir de Marc Fumaroli qui était intervenu en 2010 pour parler de Pereisc. Avant d’évoquer le nouveau portrait de l’illustre aixois, récemment apparu sur le marché de l’art, il se demande pourquoi Peiresc s’est fait « portraiturer » si fréquemment. Cette habitude, dit-il, correspond aux mœurs de l’époque et nullement à un quelconque narcissisme. Pour Peiresc, le portrait est un « signe mémoriel » pouvant être adressé à des amis, ou un indice de retraite chez soi. En effet, après avoir longuement sillonné l’Europe, Peiresc se retire à Aix, et réunit chez lui les portraits de savants et d’hommes remarquables, avec lui au centre, comme au milieu d’une conversation vivante.

 Le nouveau portrait en question est un dessin à la pierre noire que le Musée du Louvre a laissé échapper, car il a été acheté 117000 euros par le newyorkais Marc Brady. Celui-ci vient de le revendre le double à la Fondation Paul Getty, le 18 mai dernier. Ce portrait est signé du nom de MELLAN. Au dos du dessin figure le cachet d’une grande collection, GU dans un petit cercle. Il s’agit de Georges Usslaub, marseillais, administrateur de la Société des Docks et Magasins généraux de Marseille au début du XXème siècle. Le collectionneur avait prêté ce dessin pour l’Exposition « nationale coloniale » de Marseille en 1922. Depuis, ce dessin ne figurait dans aucun catalogue de l’œuvre de Mellan, avant de ressortir en 2018. Nous savons que les collections de Peiresc furent dispersées, après sa mort, au hasard des héritages et des ventes.

 Ce portrait est admirable. « Il y a dans cette figure une présence remarquable, une vivacité de l’expression dans le regard, et une liberté de trait… la saisie sur le vif d’une personnalité empreinte d’une certaine sévérité… presque d’une certaine tristesse ». Marc Fumaroli parlerait de « gravité d’attention ». Ce dessin est l’œuvre première d’une série qui se trouve au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. La gravure du musée des Beaux-Arts de Nancy, sur papier en taille-douce, aurait été exécutée par Mellan en 1637. Peiresc, mort cette année-là, y porte le vêtement traditionnel chez les doctes de l’époque, cette petite cape en ratine sur les épaules, que recouvre un large col de tissu blanc.

 Où placer notre nouveau portrait par rapport aux portraits de Nancy, et de Saint-Pétersbourg ?

 Une lettre de Mellan lui-même, un commentaire du grand collectionneur Pierre-Jean Mariette, et une lettre d’octobre 1636 du père Jean Saillans d’Avignon, demandant une épreuve de son portrait à Peiresc, permettent d’avancer une date.

 Mais surtout, un dessin par Mellan de la tête de Sabine, épouse de l’empereur Hadrien, vient clore la recherche. Cette sculpture de femme découverte en 1628 à l’emplacement de Notre-Dame de la Consolation à côté de l’hôpital d’Aix, avait été achetée par Peiresc. Le savant aixois y tenait beaucoup, à cause de la coiffure de Sabine qui permettait l’identification d’une peinture romaine célèbre. Il demanda à Claude Mellan, (né à Abbeville en 1508) une copie de cette tête. Dès 1624, Peiresc avait recommandé le jeune Mellan à ses amis de Rome où l’artiste séjourna 12 ans et y grava presque toutes les sculptures romaines de la collection Giustiniani. De retour de Rome en août 1635, Mellan s’arrête à Aix chez Peiresc. C’est à cette occasion qu’il dessine la tête de Sabine, aujourd’hui visible au musée de Lyon. Heureusement pour nous ces « copies de travail » par de grands artistes sont des chefs-d’œuvre ! On retrouve chez Sabine cette « sfumatura », expression un peu rêveuse des visages, que Mellan a apprise des Italiens.

 Peiresc s’éteint le 24 juin 1637. Notre portrait ne pouvant être daté qu’entre août 1635 et octobre 1636, il nous donne donc la dernière image de Peiresc, fixée par son ami le grand dessinateur et graveur Claude Mellan.

 L’assemblée a été émue de découvrir, grâce au conférencier, l’ultime représentation du grand aixois Claude Fabri de Peiresc, qui préside, par la non moins belle peinture de Finsonius, toutes ses réunions hebdomadaires dans la salle de séance de l’hôtel Arbaud.

 

M-C. E

 

 

 

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Le mardi 14 mai 2019, l’Académie a entendu une communication de

Monsieur Jean Bonnoit

intitulée « Monstres, mythes, fantasmes et réalité ?»

 

Il s’agit d’une présentation des grandes problématiques auxquelles se trouve confronté le médecin anatomiste quand il prend en considération les faits étudiés par la tératologie, science fondée au XIXè siècle par Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, naturaliste, auteur de L'Histoire Générale et Particulière des Anomalies de l'Organisation chez l'Homme et les Animaux, le premier traité de tératologie paru de 1832 à 1837. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé dès 1830, le terme de tératologie pour définir la partie de la médecine, de la biologie, de la botanique qui a pour objet l'étude des anomalies et des monstruosités des êtres vivants.

Outre les monstres imaginaires qui peuplent les légendes de toutes les civilisations, l’actualité éditoriale et médiatique nous rappelle qu’il existe des monstres réels. Comment les classer, quelles sont les causes de la survenue d’un monstre, peut-on imaginer une prévention, quel est l’avenir de la tératologie ?

 

La réflexion conduite par le conférencier prend en compte les données sémantiques. Les définitions du Littré (« un monstre est un corps organisé, animal ou végétal qui présente une conformation insolite dans la totalité de ses parties, ou seulement dans quelques-unes d’entre elles »), ou du dictionnaire de l’Académie française (un monstre est un « Etre vivant dont l’organisation, dans sa totalité ou dans une de ses parties, n’est pas conforme à celle de son espèce ») sont complétées par une présentation de divers autres emplois. Pour Racine, dans Britannicus, Néron est un monstre ; pour Michelet, le fisc est un monstre, et le cyclone de mille kilomètres de diamètre qui a frappé Hong Kong en septembre dernier a été qualifié de monstre tournoyant. Certains personnages de la scène lyrique, de la littérature et du cinéma sont « des monstres sacrés ».

 

Les monstres qui peuplent littérature et légendes sont d’une grande diversité. Les centaures, le minotaure de Thésée, le sphinx sont des êtres familiers de la littérature gréco-romaine. Le taureau androcéphale ailé de Khorsabad en Assyrie ou encore les monstres cynocéphales de la basilique de Vézelay sont aussi des monstres imaginaires comme ceux du second panneau du retable d’Issenheim du début du XVIe siècle, ou ceux figurés par Jérôme Bosch dans La Tentation de saint Antoine.

 

La science nommée tératologie permet aujourd’hui une étude rigoureuse des monstres réels. En effet, selon Isidore Geoffroy Saint-Hilaire on peut distinguer trois périodes dans l’histoire des monstres : une période fabuleuse jusqu’au début du XVIIIe siècle, une période positive où l’on commence à décrire et à classer les monstres et enfin une période scientifique où l’on tente d’identifier la cause de la monstruosité.

 

Il existe des monstres simples et des monstres doubles.

- Les monstres simples montrent des perturbations de l’organisation axiale du corps et des malformations de la paroi ventrale, du pôle céphalique, du pôle caudal et des membres.

- Les monstres doubles résultent soit d’un dédoublement partiel d’un embryon unique, soit de l’accolement de deux embryons. On distingue les monstres doubles égaux et les monstres doubles inégaux ou parasitaires. Les plus connus parmi tous ces monstres doubles sont les jumeaux siamois. Cette appellation courante provient des jumeaux célèbres Chang et Eng Bunker (1811-1874), originaires du Siam, fusionnés au niveau du thorax.

 

 Jusqu’alors, il a été admis qu’un individu naît monstrueux et ne le devient pas. Il faut donc qu’une perturbation survienne, soit au moment de la fécondation, soit durant le développement embryologique. Le facteur tératogène est caractérisé par trois paramètres : sa nature, son poids et le moment de son impact.

- La nature est diverse : les mutations affectant un ou plusieurs gènes, les aberrations chromosomiques ou des affections comme le diabète de la mère. Mais Il existe des facteurs exogènes comme les rayonnements, des facteurs chimiques et des facteurs infectieux

 - Le poids mesure l’intensité du facteur.

- Le moment de l’impact du facteur est déterminant : les conséquences sont d'autant plus graves que le facteur tératogène agit plus tôt, avant le troisième mois de grossesse.

 

La tératologie a-t-elle un avenir ? L’étude des monstres permet d’affiner la compréhension de l’embryologie ainsi que l’identification des risques et d’envisager la possibilité de leur prévention. En outre, la tératologie expérimentale permet d’identifier de nouveaux facteurs. Les difficultés auxquelles se heurtent les études de cas ont permis de déboucher sur une approche nouvelle fondée sur des statistiques obtenues à partir d’enquêtes menées sur des groupes analogues. Ce sont les séries dont Isidore Geoffroy Saint-Hilaire avait déjà remarqué les séquences en ce qui concerne la nature des monstruosités. On peut étendre cette notion à l’étude des variations dans les domaines de l’intensité ou du moment de l’impact.

 

Enfin, les recherches expérimentales sur l’action de substances neurotoxiques ainsi que l’étude de facteurs tératogènes intervenant dans la période postnatale font naître un nouveau champ de recherche, la tératologie comportementale. L’origine de divers troubles mentaux, caractériels, sensoriels selon une étude statistique réalisée dans les années 60 s’apparente à celle des monstruosités physiologiques. Contrairement aux doctrines dominantes jusqu’alors, il est possible de se demander si un individu ne devient pas monstrueux au cours de sa vie, sous l’influence de différents facteurs.

 

Le conférencier conclut en mettant en évidence les difficultés de la tératologie mais aussi les espoirs portés par la tératologie expérimentale.

 

Cette communication par son actualité et par la complexité des problèmes soulevés a suscité un vif intérêt dans l’auditoire, chacun comprenant combien la monstruosité remet en question l’humanité.

 

N. L.

 

 

 

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 Le mardi 21 mai 2019,

l’Académie a entendu Monsieur Bernard Mathieu

donner sa communication

Affections et afflictions digestives dans la Bible.

 

 Tous les anciens textes sacrés parlent de diverses affections que les Dieux infligent aux mortels qui ne respectent pas leur volonté. Tout le monde se souvient du supplice de Prométhée. Les Hébreux, quant à eux, furent souvent frappés par Yahweh de divers maux de ventre.

 L’énigmatique maladie des Philistins en est un premier exemple. S’étant emparés de l’« Arche de Dieu », les Philistins furent accablés d’hémorroïdes. Pour répondre à cette malédiction, ils se confectionnèrent des sièges en peaux, mais finalement il leur parut plus judicieux, de renvoyer aux Israélites, le trophée maléfique de l’Arche. Pour nos chercheurs contemporains, il pouvait s’agir de la peste bubonique. Mais les « tumeurs » qui affectaient les Philistins dans « la partie la plus secrète de leur corps » ne pouvaient être des bubons pesteux, car ceux-ci ne peuvent survenir que dans les chaines ganglionnaires inguinales, axillaires, ou cervicales. Il faut donc retenir avec Flavius Josèphe, le diagnostic de « dysenterie », compliquée de thrombose hémorroïdaire ou de prolapsus rectal. Cette maladie a pu être causée par les bactéries redoutables que sont les shigelles ou le bacille de Flexner. Saint Louis, lors de la huitième croisade, en est mort devant Tunis. Si les Hébreux sont restés indemnes, c’est probablement qu’ils bénéficiaient d’une immunité relative contre les infections endémiques que ne possédaient pas les Philistins, peuple nouvellement installé en Palestine.

 Le conférencier cite ensuite l’exemple des rois maudits.

 Joram, septième roi de la race de David, époux d’Athalie, fille d’Achab et Jézabel, se livra à l’idolâtrie, encourageant les habitants de Jérusalem à la prostitution et à la débauche. Dieu, pour le punir, lui envoya une maladie d’entrailles que l’on peut supposer être un angor abdominal qui le fit mourir d’un infarctus entéro-mésentérique. L’unique survivant de sa race ayant échappé à la fureur criminelle d’Athalie, fut Joas, par qui se perpétua la descendance de David, dont devait naître le Messie.

  Le roi Antiochus IV (215-164 av. J.-C.) qui voulut faire de Jérusalem « la fosse commune des juifs » fut frappé de coliques et de douleurs d’entrailles. Il mourut dans d’atroces souffrances, et dans la puanteur de ses chairs putrides qui partaient en lambeaux. Sa maladie fut peut-être une gangrène gazeuse intestinale spontanée et fulminante, causée par un germe anaérobie du type « clostridium septicum ».

 Hérode le Grand (73-4 av. J.-C.), gouverneur de la Galilée, scandalisa les juifs par son philhellénisme et sa servilité envers les Romains. Certes il entreprit de rebâtir le Temple, mais il n’hésita pas à faire disparaître ceux qui le gênaient, à faire exécuter ses trois fils, et ordonner à Bethléem le « Massacre des Innocents », auquel échappa de justesse l’Enfant Jésus. Pour le punir, Dieu lui envoya de terribles douleurs abdominales, sans doute causées par un ulcère gastrique.

 Son petit-fils, Hérode Agrippa, persécuta les premiers chrétiens, fit arrêter Pierre et exécuter Jacques, le frère de Jean. Brusquement saisi de douleurs au bas ventre, lors d’une harangue officielle, il mourut après cinq jours de cruelles souffrances. On peut conjecturer que sa mort fut causée par un étranglement herniaire, ou une occlusion intestinale, ou un infarctus entéro-mésentrique.

 Enfin, la mort de Judas Iscariote offre un dernier exemple. Selon l’opinion générale, Judas s’est pendu, après avoir trahi le Christ. Dans les Actes, il est dit qu’avec le salaire de son iniquité, il avait acheté une terre, « est tombé en avant, s’est ouvert par le milieu, et toutes ses entrailles sortirent ». Chez Papias, Judas survit à la pendaison, mais « son corps devint tellement enflé qu’il ne pouvait remuer. Comme un chariot passait près de lui dans un chemin étroit, il le broya de sorte que ses entrailles se répandirent ». Cela s’accorde avec le syndrome oedémato-ascitique (hydropisie). Dans les Alpes-Maritimes, à Notre-Dame-des-Fontaines, une fresque du XVème siècle représente l’Iscariote à la fois pendu et éventré.

 Nous devons toutefois prendre garde à l’ambivalence du terme « entrailles ». Les latins plaçaient dans les « viscera » les fonctions de sensibilité morale. Les viscères répandus de Judas peuvent, au sens figuré, désigner un cœur brisé, pris dans une tempête d’afflictions et d’absolu désespoir. Il ne nous est pas permis de conclure à la damnation éternelle de Judas car, selon la Vulgate, le pardon a pu lui être accordé « par les entrailles miséricordieuses de notre Dieu ».

  Cette savante communication, suivie avec grand intérêt, a montré que, malgré les lumières de la médecine et de la science contemporaines, les voies de Dieu sont toujours impénétrables.

 

          M-C.E

 

 

 

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 Le mardi 7 mai 2019,

l’Académie a tenu une séance exceptionnelle

pour rendre hommage aux membres honoraires disparus.

 

 Madame Madeleine Com a évoqué le souvenir de Jean Vaudour (1933-2017), dont Monsieur Maurice Wolkowitsch fut leur parrain commun. D’origine normande et cévenole, Jean Vaudour grandit à Auriol dans une famille modeste et nombreuse. Il commence sa carrière d’enseignant comme instituteur, et la termine comme professeur d’Université, à l’Institut de géographie d’Aix-en-Provence. Son domaine de prédilection est la géomorphologie et ses premiers travaux sont consacrés à l’Espagne centrale. Il donne à l’Académie des communications sur les travertins, les terrasses de culture en Provence, le désert syrien, et celui d’Atacama. Savant et chercheur scrupuleux, reconnu par ses pairs, marié à notre consœur Nicole Vaudour-Jouve, père de deux enfants, et plusieurs fois grand-père, Jean Vaudour laisse le souvenir d’un homme simple, d’une grande courtoisie, et d’une profonde bienveillance.

 

 Messieurs Jean-Marie Roux et Philippe Malburet ont honoré la mémoire d’André Bailly (1918-2017). Petit fils d’ouvrier agricole du Berry, né à Etretat où ses parents s’étaient réfugiés pendant la Grande Guerre, André Bailly fait toutes ses études à Paris et intègre l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud dont il sort agrégé. Sa première nomination de professeur le conduit à Aix en 1943. Ce passionné des sciences naturelles, devenu en 1968 inspecteur d’académie, est l’auteur en 1992 d’un ouvrage intitulé Défricheurs d’inconnu, qui est consacré à quatre éminentes figures aixoises mal connues : Peiresc, Tournefort, Adanson, Saporta. Remarquable pédagogue, André Bailly se mit au service de la cité, pour défendre son patrimoine. Il fonde en 1947 avec Pierre Gay le ciné-club aixois, soutient le projet d’un planétarium à Aix, et conduit bien d’autres actions… André Bailly conserva jusque dans son grand âge, toute sa lucidité et son élégante amabilité, sa grande ouverture au monde et aux autres.

 

 Ces deux hommages ont été précédés d’une présentation de la Fondation de Lourmarin par son président, le très dévoué Max Michelard qui invite les académiciens à rejoindre l’Association des Amis de Lourmarin.

 

 

 

 

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Le mardi 23 avril, l’Académie a entendu une communication de

Monsieur Jean-Pierre CENTI intitulée :

« Les monnaies virtuelles : mystification, révolution ou évolution ? »

 

Ce résumé a été rédigé par le conférencier.

Plus de 1600 monnaies virtuelles sont nées en dix ans. Circulant sur l’Internet, elles sont sans frontières et défient l’exclusivité monétaire nationale. Créées par des algorithmes et non par des prêts bancaires, elles circulent hors les circuits bancaires et les concurrencent tout en échappant au contrôle des banques centrales. Aussi inquiètent-elles pouvoirs publics et banques. Cependant le grief selon lequel il s’agirait d’une mystification ne convainc pas : sur l’année 2018, le nombre d’utilisateurs est passé de 18 millions à 36 millions. L’utilisateur d’une cryptomonnaie l’accepte parce qu’il a la quasi-certitude que d’autres individus ou entreprises l’accepteront en paiement. Selon Bill Gates, cette crédibilité proviendrait d’un « tour de force technologique ».

Le système de paiement numérique Bitcoin, construit sur un langage informatique ouvert, est autonome car il n’a pas besoin de recourir à une banque traditionnelle. Quiconque rejoint le réseau en s’y connectant reçoit un portefeuille (wallet) contenant une clé publique (son adresse) et une clé privée (mot de passe) mais son anonymat est protégé. À l’échelle mondiale, les participants forment un réseau pair-à-pair. Si quelqu’un veut envoyer des fonds en l’unité de compte abstraite bitcoin à un autre participant au réseau, il lui adresse un message auquel s’applique une fonction de hachage qui calcule une empreinte cryptographique, dite signature unique, éliminant le risque de double dépense d’un même bitcoin. L’écriture passe par des nœuds (ordinateurs), chacun validant le message et l’enregistrant sur une liste d’attente. Les mineurs, dotés de logiciels spécifiques, puisent alors dans ces écritures pour construire des blocs de transaction sécurisés et les attacher à la chaîne. La greffe d’un nouveau bloc est le résultat d’une compétition entre mineurs qui exige des milliers de milliards de calculs. La compétition dure dix minutes et absorbe une énorme consommation d’énergie. Lorsqu’un mineur trouve le code informatique permettant d’ajouter un bloc, tous les mineurs le reconnaissent : tel est le sens de la « preuve de travail ». Les transactions du bloc final sont alors réglées et les nœuds sauvegardent une copie de la chaîne ainsi augmentée.

La motivation du mineur vient de son gain : le mineur qui ajoute un bloc à la chaîne est rémunéré par la création de nouveaux bitcoins. C’est ainsi que les bitcoins sont créés, mais ce supplément qui était de 50 bitcoins toutes les dix minutes en 2009 diminue de moitié tous les quatre ans, si bien que la masse totale atteindra la limite maximale de 21 millions de bitcoins en 2040. Ce tour de force suffit-il à procurer de la bonne monnaie ?

Le fait est que les cryptomonnaies ont une valeur de marché positive et exercent un attrait en raison d’avantages remarquables : échanges à coûts minimes, divisibilité (en satoshis), préservation de la vie privée, durabilité. Mais l’économie ne se réduit pas à la résolution de puzzles technologiques : elle est concernée par l’obtention de monnaies saines sans lesquelles les marchés dysfonctionnent. Or le bitcoin a une valeur de marché amplement erratique, ce qui peut paraître suffisant pour le qualifier de mauvaise monnaie.

L’offre de bitcoins est d’une grande rigueur, mais la demande subit des chocs brusques. De nombreux aléas et faits se répercutent sur la demande de bitcoins : manipulations de marché, attaques de plateformes de change, événements politico-économiques (Grexit, Brexit). Beaucoup ne voient dans le bitcoin qu’un actif spéculatif : la spéculation génère des bulles à répétition qui rendent sa valeur insuffisamment stable. La programmation de l’offre de bitcoins n’inclut pas de mécanisme d’autorégulation : la différence avec l’étalon-or est qu’il n’y a rien pour contrer le caractère chaotique de la demande de bitcoins. Paradoxalement le bitcoin continue de faire des émules. D’autres chaînes de blocs monétaires se sont développées. Cet engouement persistant est le reflet d’une évolution balbutiante plutôt que d’une révolution.

La rigidité de l’offre de bitcoins a pour conséquence l’augmentation à long terme de la valeur réelle du bitcoin. Là réside une différence majeure avec les monnaies légales qui, elles, exposent un biais inflationniste. Les insatisfactions que génère le système de banque centrale exacerbent l’attrait du système des cryptomonnaies. L’algorithme de création du bitcoin exclut tout activisme monétaire et toute inflation. Le système Bitcoin bouscule également l’industrie bancaire. La riposte des législateurs est inéluctable, ainsi que la réaction des banques centrales qui fustigent l’absence de régulateur externe.

Mais le bitcoin n’est pas dépourvu de forces. La chaîne entière est assimilable à un registre inviolable et chaque bloc à une page définitivement scellée au registre. La technologie de la chaîne de blocs attise la concurrence dans le domaine des monnaies virtuelles. Sous la pression de la concurrence, les cryptomonnaies de qualité supérieure pourraient offrir dans l’avenir la stabilité de leur valeur. Beaucoup d’observateurs s’accordent sur la nature spontanée d’une évolution vers un système concurrentiel de monnaies virtuelles qui pourrait nous ramener dans le passé en utilisant la technologie la plus moderne.

Cette communication très savante a plongé l’assemblée dans le monde des monnaies virtuelles. Il semble que certains d’entre nous ont pensé à d’éventuels investissements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Le mardi 2 avril 2019, l’Académie a tenu une séance publique solennelle pour la réception comme membre titulaire

de Madame Elisabeth Marchessaux,

au fauteuil de Madame Lucienne Vincent, décédée en 2014.

 

 Après avoir exprimé sa gratitude envers ses trois parrains, Monsieur Régis David, Madame Madeleine Com, Monsieur Jean-Luc Kieffer, et sa reconnaissance à Messieurs Roger Bout et Albert Giraud, Mme Marchessaux rend hommage à Lucienne Vincent, poétesse dont l’univers enchanté est offert au public par un florilège de citations.

Lucienne Vincent est l’auteur de 1738 poèmes, très souvent primés, qui sont dédiés à ses amis, à sa profonde foi chrétienne, à l’Egypte, berceau d’antique civilisation, à l’Algérie, sa terre natale, où elle vécut jusqu’aux événements tragiques de 1954, à la Provence, sa terre d’élection… Née en 1924, Lucienne Vincent a deux ans, quand son père meurt des blessures de la guerre de 14. Sa famille connaît alors la pauvreté, mais sa brillante réussite au concours d’institutrice de l’Ecole Normale en 1942, à 20 ans, lui ouvre une carrière qui peut laisser songeurs les maîtres d’aujourd’hui. Dans l’Orléansville, elle a 60 élèves de maternelle, et dans l’Algérois, 47 élèves de 5 à 15 ans.

Nul doute qu’elle sut tenir tout ce monde, dans un éveil poétique aux choses inoubliables de l’enfance qu’elle évoque dans ces vers :

       « Que reste, pour toujours, intacte la demeure,

           Avec son front paré, des roses, des jasmins,

                 Dont je fais une gerbe, afin qu’elle ne meure ! »

 Mariée, mère de trois enfants, et plusieurs fois grand’mère, Lucienne Vincent a donné deux communications à l’Académie, Veria, ville de Macédoine, et Les différents visages de Louis Moreri. Depuis 2016, est décerné à la fondation Saint John-Perse, le prix Lucienne Gracia-Vincent.

 

 Dans sa réponse, le Secrétaire Perpétuel, Monsieur Jean-Luc Kieffer, a présenté la récipiendaire, Madame Elisabeth Marchessaux, à qui trois lieux sont chers. C’est une bastide médiévale édifiée en 1222 par Raimond VII, comte de Toulouse, sur la colline de Cordes-sur-ciel. L’arrière-grand-père de notre consœur, Albert Gorsse, y réintroduit au 19èmesiècle l’industrie textile avec la fabrication de dentelles. En 2014, Elisabeth Marchessaux raconte cette histoire dans sa communication académique Un bienfait de la guerre, et elle publie en 2017, un très beau livre Le temps de la broderie à Cordes.

 

C’est Marseille où elle est née, dans une famille de médecins, les Julien. C’est Aix-en-Provence, où elle fait ses études à la Faculté de Droit et y rencontre son mari, futur avocat, dont elle a deux garçons. Dans la cité du Roy René, elle assume la présidence d’Aix-Accueil, met en place la Journée des Associations, participe à « La formidable aventure des radios libres », sujet qu’elle présente à l’Académie en 2010. Aujourd’hui, Elisabeth Marchessaux intervient très souvent sur Radio-Dialogue devenue RCF, anime un groupe de lecture, et fréquente le club Soroptimist. Elle a publié avec Muriel Escalle, Deux gourmandes en pays d’Aix, Deux curieuses en Salonais, Arts et Anecdotes au pays de Cézanne.

 

Son goût des mots lui fait animer une table ronde au colloque de Lourmarin en 2011, La langue française en question Koi 2 9 ? et la fait participer à celui sur Albert Camus. L’écrivain né en Algérie, qui se fixa à Lourmarin et y repose aujourd’hui, découvrant Cordes-sur-ciel, écrivit : « Le voyageur qui, de la terrasse de Cordes, regarde la nuit d’été sait ainsi qu’il n’a pas besoin d’aller plus loin et que, s’il le veut, la beauté ici, de jour en jour, l’enlèvera à toute solitude ».

 

La beauté de Cordes a conduit Madame Marchessaux à l’Académie d’Aix en 2007 comme membre associé. Elle est devenue membre titulaire en 2016. Cette assemblée la reçoit aujourd’hui officiellement avec une grande joie.

 

M-C.E

 

 

 

 

 

 

 

 

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Monsieur Jean-Louis CHARLET a proposé à l’Académie, le mardi 26 mars 2019, une communication intitulée : « La rivalité entre Aix et Marseille pour la possession de l’atelier monétaire de Provence, dans le royaume de France (de Charles VIII à Louis XVI) ».

 

Au 13ème siècle, naît l’idée d’une monnaie commune à la Provence. Cette monnaie résulte d’un compromis. A l’avers, est exprimée la souveraineté du comte de Provence avec sa tête et la légende Provincie. Au revers, figure l’affirmation politique d’une cité extérieure au comté de Provence avec une porte de ville fortifiée et la légende Civitas Massiliensis. Cela sera source de nombreuses difficultés.

En 1481, lorsque la Provence est réunie à la France, de facto, les ateliers d’Aix sont actifs, alors que Marseille n’a plus frappé monnaie depuis 1301. Le roi Charles VIII rouvre l’atelier de Marseille et le monnayage marseillais retrouve son caractère municipal avec le nom de la cité Civitas Massilie, le roi prenant le titre de Dominus Massilie, donc seigneur de Marseille, et non le titre de comte de Provence qu’il porte sur les monnaies frappées à Aix et Tarascon. Cette rivalité aboutit à la fermeture des ateliers provençaux en 1497. Ceux d’Aix et Tarascon sont rouverts l’année suivante.

Dans la lutte qui oppose le roi François 1er à Charles Quint, Marseille manifeste sa fidélité au roi et sera récompensée avec la réouverture de son atelier monétaire en 1524, en lui rendant pour différent l’écusson de la ville. Aix se distingue par les lettres PC, Provincie Comes car dans l’acte d’union avec la France, le roi de France n’intervient sur cette terre qu’en tant que comte de Provence. En 1538, tous les ateliers provençaux sont fermés en vue d’une grande réforme : désormais, les monnaies se distingueront par une lettre. Les luttes pour la possession de l’atelier de Provence se poursuivent. A la réouverture de l’atelier de Marseille, il ne reste plus de lettre libre. Marseille obtient alors la ligature « st ». Aix rouvert en 1542 obtient le signe « et » avant d’obtenir en 1550 son différent définitif « & ». Des abus dans la frappe aboutissent à la mise en chômage de l’atelier de Marseille puis à sa fermeture en 1555. Aix prend alors un avantage. Mais Marseille ne renonce pas.

Les troubles que connaît le royaume à la fin du 16ème siècle, aboutissent à l’ouverture d’ateliers monétaires temporaires. Ce n’est qu’en 1634 pour l’or et en 1636 pour l’argent que reprennent les frappes régulières. La difficulté de s’approvisionner en or à Aix fait que l’on envisage de s’installer à Marseille mais le projet n’aboutit pas. La lutte entre les deux villes continue. Au 18ème siècle, l’Hôtel de la Monnaie d’Aix tombe en ruines et il est de plus en plus difficile de trouver du personnel et des matières premières. En février 1786, la Monnaie d’Aix est fermée et elle est transférée à Marseille, avec son personnel, maître et graveur compris. L’atelier monétaire de Marseille fonctionne sous la Révolution, l’Empire et la Restauration avant d’être fermé en 1839. Après une courte réouverture sous Napoléon III, l’atelier monétaire français en Provence est fermé définitivement en 1857.

Cette conférence savante, riche en détails et en rebondissements, a plongé l’assemblée dans les arcanes de l’histoire de la monnaie en Provence et de la rivalité séculaire entre les deux cités, marquée par les multiples ouvertures et fermetures des ateliers. Cette rivalité s’inscrit dans le contexte politique et économique du royaume de France.

Monsieur Charlet a voulu aussi rendre hommage à Maurice Raimbault, un des pères fondateurs de la numismatique provençale, dans la lignée de Pereisc.

 

M.C.

 

 

 

 

 

 

 

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Sciences, agriculture,

arts et belles-lettres

 

Le mardi 5 mars 2019,

 

l’Académie a entendu Monsieur Pierre Dussol

donner sa communication « Le dollar américain, petit-fils du Thaler d’Autriche ».

 Tout commence par la petite vallée de Saint Jacques en Bohème, où déjà les romains avaient repéré des filons argentifères. En 1525, le comte Stephan Schlick, propriétaire des mines, frappa de nombreuses pièces d’argent nommées Thalers, le mot « thal » signifiant « vallée » en vieil allemand. Ce nom fut déformé en « dhaler » aux Pays-Bas, « daler » en Scandinavie, « tolar » en Slovénie, et « dollar » en Amérique du nord.

 Au XVIème siècle, la Bohème faisait partie de l’Empire des Habsbourg. Le Thaler se répandit dans toutes leurs possessions. Cette pièce d’argent, pesant entre 25 et 30 grammes, équivalait à un florin d’or. Elle prit sa forme définitive sous l’impératrice Marie-Thérèse en 1741, servit de lien entre les systèmes monétaires utilisant l’or, et devint la monnaie de nombreux pays arabes, ou du moins y circula beaucoup, car le buste généreux de Marie-Thérèse y était très apprécié ! Cette monnaie était même réputée magique, et s’exhibait comme un bijou.

 Malgré la défaite autrichienne de Sadowa contre la Prusse en 1866, Vienne reçoit de la Grande-Bretagne une commande de 5 millions de pièces pour financer sa guerre en Ethiopie, et l’Italie de Mussolini acquiert en 1935, auprès du gouvernement autrichien, les outillages de frappe. Les Anglais se mettent alors à fabriquer des Thalers, comme les Français, les Belges, et les Hollandais. Tout cela cesse en 1962.

 Les Espagnols, sous Philippe II, appellent leur Thaler d’argent Réal de ocho. Ce « spanish dollar » se répand en Amérique du Nord où il circule jusqu’en 1857, en même temps que le « Dhaler » néerlandais qui prend bien vite le nom de dollar. Le premier dollar américain « billet » a été imprimé au Massachussets en 1690. Au début de la guerre d’indépendance, en 1776, est créé le « Continental currency dollar » qui n’aura pas de succès économique, mais fera la promotion aux Etats-Unis de la marque « dollar ». Ce dollar est institué monnaie de la confédération par le Coinage Act du 2 avril 1792. Il contient 14,06 grammes d’argent ou 1,6038 gramme d’or, est divisé en 100 cents, et il est frappé à Philadelphie dans le premier hôtel des monnaies situé sur un terrain acheté par Georges Washington. Les premières pièces représentent « l’aigle américain au bec conquérant, aux ailes déployées ».

 En 1861, les premiers billets verts « green backs » à l’effigie de Hamilton font leur apparition, avec la célèbre devise « in God We trust ». C’est en 1914 que les douze banques fédérales ont commencé à émettre des billets qui devaient être couverts à 40 % par de l’encaisse or. Aujourd’hui, plus de 90 % des billets américains en circulation sont fabriqués par la Réserve Fédérale.

 Après la guerre de 14-18, trois zones monétaires sont constituées : la zone Sterling en 1931, la zone Dollar en 1933, et la zone « bloc or » autour du Franc convertible, également en 1933.

 Le fond de la question est que le volume de monnaie doit être en cohérence avec les biens et services produits. En 1944, il ne restait que le Dollar comme devise crédible. Il ne tenait aux autres pays qu’à redresser leur économie. Le Mark a été relevé, alors que le Franc français a été dévalué sans arrêt jusqu’à l’Euro. Aujourd’hui, le seul véritable concurrent du Dollar américain est l’Euro.

 Le fondement de la valeur d’une monnaie est parfois surprenant. Un jour, la demande de Thalers d’argent par les Turcs s’effondra brusquement. Après enquête, il s’avéra que les Turcs boudaient la nouvelle effigie de l’impératrice. Elle était représentée avec un voile sur son opulente poitrine, car elle était en deuil de son époux. Comprenant ce désintérêt, l’Impératrice revint à la première image, et la demande de Thalers reprit chez les Turcs !

 Le conférencier a séduit son auditoire, car il a su, lui aussi, rendre très attrayant, un sujet économique d’habitude ardu pour les non initiés.

 

 

M-C.E

 

 

 

 

 

 

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Le mardi 26 février 2019,

 

Madame Anne LEBORGNE

 

a présenté à l’Académie une communication intitulée : «  Le troisième sexe ».

 

La question de la reconnaissance d’un troisième sexe se pose en droit. Elle est liée à des cas de transidentité, à savoir une identité de genre ou une expression de genre différente du sexe assigné à la naissance ou elle est liée à des cas d’intersexualisme, lorsqu’une personne présente des caractéristiques des deux sexes. Le droit a besoin de distinguer chaque personne et a fait le choix d’éléments permanents d’identification : le nom, le domicile, les actes de l’état civil, l’état de famille et le sexe. Ces éléments ne résistent plus à l’analyse aujourd’hui : changement de nom possible, divorce, modes scientifiques de procréation, possibilité de changer de sexe, mariage et adoption aux couples de même sexe, et surtout questions qui font référence au sexe de la personne. L’information sexuelle, qui figure sur l’acte de naissance, est nécessaire à l’organisation sociale et juridique. Aujourd’hui, la société est confrontée à la revendication des personnes transgenres, le genre renvoyant au comportement attendu par rapport à un sexe (rôle social), alors que le sexe est biologique (chromosomes, hormones, organes sexuels).

Toute personne doit-elle être rattachée à l’un des deux sexes ? Un troisième sexe indéterminé devrait-il être admis pour les personnes qui ne se sentent ni homme ni femme ?

Un droit à l’auto détermination du sexe conduit à s’interroger sur le sexe de certaines personnes.

Le transsexualisme : la question du changement de sexe a été traitée par la jurisprudence. Le sexe ne devrait pas pouvoir être modifié : XX ou XY. Dans les années 50, le trouble de l’identité sexuelle, c'est-à-dire le sentiment d’appartenir au sexe opposé et le besoin de changer de sexe apparent et d’état civil permet un traitement hormonal et chirurgical. Les transformations physiques opérées, il reste à mettre en œuvre l’état civil. Il faut attendre 1992 pour que la modification se traduise par une mention en marge à l’état civil et non par une rectification de l’acte. A partir de 2010, le changement ne peut être admis que s’il est apportée la double preuve du syndrome du transsexualisme et du caractère irréversible de la transformation. En 2016, la modification de l’état civil se base sur des faits : la personne se présente comme appartenant au sexe revendiqué (sexe psychique), elle est connue de son entourage familial, social, ou professionnel (sexe social), elle a obtenu le changement de son prénom. Il n’est plus nécessaire de justifier d’opérations ou de traitements hormonaux. Les modifications ne sont portées à l’état civil qu’avec le consentement des intéressés.

Les transgenres : Depuis 2017, les personnes qui ne souhaitent pas voir disparaître leurs organes sexuels tout en demandant à être reconnues comme relevant de l’autre sexe sont les transgenres. Sont-elles alors au regard de l’état civil homme, femme ou.. ? Il faut penser aux conséquences pratiques qu’un changement de sexe sans ablation des organes génitaux produit, à savoir la possibilité d’engendrer dans son sexe biologique. Exemple d’un Américain, né femme, qui a reçu des injections de testostérone, a subi une mastectomie, qui a donc changé son apparence physique mais a gardé son utérus et qui a pu engendrer 3 bébés. En France, si le géniteur est devenu une femme à l’état civil, on inscrit alors sur l’acte de naissance de l’enfant : parent biologique. En Belgique, l’homme sera désigné comme mère de l’enfant et la femme comme coparente.

 

La binarité ou la reconnaissance de l’intersexualisme : Entre 0,05% et 1,7% de la population mondiale serait intersexuée. Peut-on admettre une indétermination du sexe, un sexe neutre ? Les réponses juridiques diffèrent d’un pays à l’autre. En France, depuis 2011, lorsque le sexe d’un nouveau-né est incertain, il convient d’éviter de porter l’indication « sexe indéterminé », de se renseigner afin de déterminer le sexe le plus probable et de choisir un prénom neutre. Pour un adulte qui demande la modification de l’état civil pour faire reconnaître sa non appartenance à l’un et l’autre sexe, l’esprit de la loi ne permettrait pas de faire figurer l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin. En Europe, en 2015, le commissaire aux Droits de l’homme écrit que les Etats membres devraient faciliter la reconnaissance des personnes intersexuées devant la loi et offrir la possibilité de ne pas choisir masculin ou féminin. Ainsi, en 2018, aux Pays Bas, est reconnu un troisième genre pour un citoyen né intersexué. En Allemagne, les personnes intersexuées peuvent être identifiées sous le terme « divers ». En Australie, 2014, on peut mettre un « X », sexe indéterminé dans la case concernant le sexe. En Asie, plusieurs pays reconnaissent l’existence d’un troisième sexe. En Inde, les eunuques peuvent arborer un « E » sur leurs passeports. Aux EU, en 2016, a été délivré le premier certificat de naissance portant la mention « intersexe ».

 

Face à ces situations, le législateur prend en considération la souffrance des personnes qui vivent une ambiguïté sur leur identité sexuelle. La question de l’existence d’un troisième sexe se pose en droit en France et à l’étranger, à la suite de plusieurs cas de transidentité et d’intersexualisme. La création d’une autre catégorie juridique ou la suppression de l’indication d’un sexe à l’état civil ne peut suffire à répondre au mal être de l’identité. Le propos juridique n’exclut pas des interrogations d’ordre médical, sociologique, psychologique et philosophique. Cette communication sur un sujet difficile et sensible a intéressé l’assemblée et les nombreuses questions posées en témoignent.

 

M.C.

 

 

 

 

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 Mardi 5 février 2019, l’Académie a entendu la communication de Monsieur François Mortreux, « Donnez-nous notre pain quotidien, et de temps en temps une inondation ».

 Cette phrase, gravée à Delft dans les bureaux du comité technique consultatif pour la lutte contre la montée des eaux, résume l’expérience millénaire du peuple néerlandais. Le quart de la surface actuelle des Pays-Bas se situe sous le niveau de la mer. Près de Rotterdam, on atteint 6,76 m sous le NAP (niveau de la mer de référence). En fait, depuis l’Antiquité romaine, cette région s’enfonce inexorablement sous la mer, et toute son histoire est jalonnée d’inondations catastrophiques qui ont sans cesse remodelé le paysage, et fait chaque fois des milliers de victimes. En 838, toute la Frise est recouverte, en 1287 une brèche entre le lac Flevo et la mer du Nord transforme Amsterdam en port maritime. En 1421, la vieille ville de Dordrecht devient une île, comme celle de Reimerswaal en 1530. L’inondation du Zuiderzee en 1916, joue un rôle important dans le plan de développement des Pays-Bas, puisqu’il est alors décidé de le fermer et de l’assécher. Tous ces évènements sont d’origine naturelle.

 Mais l’activité humaine les a amplifiés. Dès le 9ème siècle, l’exploitation de la tourbe, creusant des « lentilles » épaisses de 1 mètre, a contribué à l’élargissement des cours d’eau et à l’extension des marécages. Il en est résulté une hausse du niveau de l’eau par rapport au niveau du sol de 5 mètres en 1000 ans. Les hommes, au fil des siècles, ont cependant toujours réagi aux problèmes qu’ils ont créés. Ils ont dressé des monticules artificiels pour leurs habitations, se sont mis à construire des digues, des moulins à vent pour remonter l’eau, des zones de rétention, des polders, et se sont organisés en « waterschapen », conseils de gestion de l’eau.

 Au XXème siècle, la politique d’extension des terres cultivables continue, avec la construction, de 1920 à 1975, de la digue du Nord. Des travaux réduisent la salinité des eaux de la nappe phréatique. Mais une nouvelle grande catastrophe se produit en 1953. Elle a pour conséquence l’élaboration, sans énarque ni politique, d’un Plan Delta qui formule plusieurs recommandations. Il s’agit de rehausser les digues de Schouwen de 2 mètres, de fermer le Hollandse Ijssel par un barrage anti-tempête, et de fermer des estuaires pour réduire la longueur des digues. Le barrage anti-tempête de l’Escaut oriental inauguré en 1986 par la reine Béatrix réduit le risque d’une inondation à une fois tous les 4000 ans. La digue de Haringsvliet permet de rejeter vers la mer du Nord les excédents d’eau arrivant de la Meuse et du Rhin. Elle est équipée de portes réglables pour ralentir les flux et reflux, de galeries pour le passage des poissons, et d’écluses pour celui des bateaux. Grâce à d’autres ouvrages, c’est toute la côte de la Zélande, depuis le Nord jusqu’à l’embouchure de l’Escaut oriental, qui est protégée. Citons la digue de Veerse Gatdam et celle de Zandkreekdam dont la dernière partie est constituée d’une armature formée par des caissons Phoenix surmontés d’une super structure, et recouverts de roches et de sable.

 Pendant la réalisation du Plan Delta, la population fait valoir d’autres priorités que l’augmentation de la surface des terres. Elle demande que soit mieux pris en compte la protection de l’environnement, l’impact des ouvrages sur la faune, la pêche et l’élevage. C’est ainsi que les digues de Philipsdam et l’Oesterdam ont été conçues de manière à conserver des marécages, à maintenir les conditions d’une activité ostréicole, et à ne pas mélanger les eaux douces et les eaux salées.

 Le Plan Delta s’est préoccupé surtout de la Zélande. Pour la protection de Rotterdam et de la Hollande du Sud a été créé le plan Europoortketing qui a permis l’installation sur le Nieuwe Waterweg d’un barrage pivotant gigantesque à deux vantaux de 210 mètres et, sur le canal Hartel, d’une digue mobile. Ces deux ouvrages ont été fermés deux fois pour cause de tempête.

 Les Pays-Bas vivent « en accéléré », bien avant l’industrialisation, une élévation relative rapide du niveau des eaux par rapport au niveau du sol. Ses habitants ont donc appris à lutter très tôt contre cet ennemi naturel, et non contre la production par l’homme des « gaz à effet de serre », dont l’effet réel sur les changements climatiques est discuté. Nous devrions bien méditer leur exemple.

 

M-C.E

 

 

 

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Le mardi 15 janvier 2019,

l’Académie a entendu une communication de Monsieur Pierre NALIN, intitulée :

« Le traité d’Utrecht, histoire d’un livre - Louis-Philippe, Guizot, Giraud ».

 

Le conférencier a présenté l’histoire de la rédaction et de la publication du Traité d’Utrecht, étude politique publiée en 1847, au terme d’une affaire diplomatique, appelée par François Guizot, alors ministre des Affaires étrangères : « L’affaire des mariages espagnols ». Ainsi, a été évoqué un pan de la vie de son auteur, Charles Giraud, éminent juriste, président de notre Académie, qui fut l’ami intime de nombreuses personnalités de son époque.

 

A la demande du Roi Louis-Philippe et sous la direction de François Guizot, Charles Giraud analyse le traité d’Utrecht, finalisé en 1713 à la fin du règne de Louis XIV, dans l’unique objectif de justifier juridiquement le mariage d’un fils de Louis-Philippe avec l’infante espagnole, dont les descendants conserveraient une possibilité de monter sur le trône de France. Or, l’idée de voir les Bourbon d’Orléans régner à la fois sur la France et sur l’Espagne était inacceptable pour l’Europe entière et en particulier pour les Anglais.

 

En 1713, le traité d’Utrecht dont les conséquences territoriales avaient été considérables avait mis fin à la guerre de Succession d’Espagne : les Bourbon espagnols avaient renoncé à la couronne de France et les Bourbon français à celle d’Espagne. C’est pourquoi, Louis-Philippe pose à son ministre Guizot une question importante dans le cadre de sa politique diplomatique : cette renonciation est-elle absolue, universelle, illimitée ? La crise est finalement résolue lorsque, en 1846, la reine d’Espagne Isabelle II épouse un descendant de Philippe V de Bourbon, petit-fils de Louis XIV et que sa sœur l’infante Fernanda épouse un fils de Louis-Philippe, le duc Antoine de Montpensier. Un an plus tard, Guizot et Giraud répondent dans leur analyse du traité d’Utrecht aux problèmes posés par ces mariages. Il s’agit de préparer une défense aux objections du ministre anglais des Affaires étrangères et d’empêcher que les enfants issus du mariage du duc de Montpensier et de l’infante Fernanda ne soient interdits de régner un jour.

 

L’épreuve du traité conservée jusqu’à nos jours et les lettres échangées entre les personnes intéressées, montrent que Louis-Philippe participe directement à l’écriture du mémoire demandé à Charles Giraud. Ce dernier se rend donc fréquemment aux Tuileries pour travailler avec le Roi sur les textes définitifs.

 

Le ministre Guizot relit lui aussi avec minutie et exigence l’épreuve et l’annote. Ses corrections trahissent sa personnalité. Par exemple, lorsque Giraud écrit : « la France est restée catholique comme l’Espagne, avec moins d’intolérance toutefois », le protestant Guizot réagit, et écrit en marge : « douteux ! ». A contrario, Guizot et Giraud se rejoignent sur leurs conceptions libérales. A leurs yeux, l’histoire va dans le sens du progrès qui passe par un équilibre européen. Ils partagent aussi l’idée que le Sud du continent perdra sa prépondérance, au profit de l’Europe du Nord. Les corrections de Giraud sont purement techniques, presque orthographiques. Il est probable qu’elles ont été effectuées avec Louis-Philippe en personne. Ainsi a pu naître « l’intimité » dont parlait Giraud, à propos de sa relation avec le Roi : intimité qui perdurera et s’étendra à d’autres membres de la famille d’Orléans. De son côté, le Roi semble garder de la distance et annote peu : sept ou huit lignes, aussi précises que courtoises.

 

Le Traité sort de l’imprimerie le 9 avril 1847. Guizot s’en fait livrer cinq cents exemplaires : chiffre qui montre l’importance de ce type d’études et l’influence du ministre. Mais la Révolution éclate quelques mois plus tard, contraignant le Roi et le duc de Montpensier à l’exil. Guizot se retire sur ses terres et ne consacre dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, que quelques lignes à l’étude du Traité. Cependant, les liens qui unissent Giraud et la famille d’Orléans demeureront. Trente ans après la publication du Traité d’Utrecht, Charles Giraud envoie son ouvrage traduit en allemand au duc Louis-Philippe II d’Orléans, petit-fils de Louis Philippe, qui lui répond avec gratitude et sensibilité. Le Traité est disponible aujourd’hui chez Amazon et a même été réédité chez Classic reprint.

 

Le conférencier conclut sur la richesse des archives transmises par son ancêtre qui « ne disent rien de rare » mais qui « mises bout à bout », « racontent une histoire ». Cette communication met en valeur la source et sa correction traditionnelle en marge, richesse qui permet à l’historien ou au critique d’approcher de la pensée de l’auteur grâce aux ajouts et suppressions alors que la modernité numérique nous laisse en présence du seul texte final.

 

Les nombreuses questions de l’auditoire ont permis de confirmer combien l’évocation des circonstances de la rédaction de cette étude politique a mis en lumière de façon originale quelques aspects de l’histoire européenne, du traité d’Utrecht jusqu’à la fin de la Monarchie de Juillet.

 

N.L.

 

 

 

 

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 Le mardi 8 janvier 2019,

 l’Académie a entendu Monsieur Patrick Monjou

donner sa communication "Du rire au blâme, les exempla au Moyen-Age."

 

 Depuis l’Antiquité, les orateurs connaissent la force de l’exemple pour faire passer le précepte. Au Moyen Age, pour les prédicateurs issus des ordres mendiants, les exempla constituent « le tonnerre destiné à réveiller les âmes qui dorment dans le péché ». Et l’exemplum est défini aux XIIème-XIIIème siècles comme un récit bref inséré dans un discours pour convaincre un auditoire dans un but salutaire. Il existe très tôt des recueils de récits exemplaires, classés en rubriques. Le médiéviste Jacques le Goff en a proposé une typologie.

 

 Ce qui est visé, c’est l’édification en vue du salut. En effet, la crainte du Jugement dernier, que l’on peut toujours voir affichée sur le tympan des cathédrales, est omniprésente au Moyen Age. Les récits des exempla racontent les malheurs d’avocats, de criminels, de curés, d’usuriers, ou d’autres figures familières, pour servir d’avertissement aux vivants et entretenir chez eux un sentiment de peur. Il s’agit de convertir les cœurs plus que les mœurs et d’encourager le rachat des fautes par une générosité sincère (accorder l’hospitalité aux pauvres), un retour à l’humilité ou à la sobriété. Celle-ci trouve ainsi son illustration : « Après le prêche, un maître dîne avec un ami et boit trop de vin. Sur le chemin de sa maison, la sobriété de son cheval buvant à un puits le confond de honte ».

 

 Dans la chasse aux mauvais penchants, le rire joue un rôle important, comme le dit la fameuse phrase latine : « Castigat ridendo mores ». Ainsi de ces bons gros moines qui s’endorment à l’office de matines pendant que les enfants de chœur s’amusent, et qui quittent l’office, persuadés qu’ils ont fait oraison. Ou de telle habile souveraine qui s’appuie sur la cupidité des moines pour les faire changer d’avis sur une querelle de voisinage. Ou de ce juge corrompu qui se fait frotter les mains de graisse de porc par une pauvre plaignante à qui on a dit : « Vous n’obtiendrez jamais rien de ce juge-là, si vous ne prenez la précaution de lui graisser la main. » Pour éteindre la prétention des femmes ambitieuses, le prédicateur raconte encore que l’ange Gabriel n’a pu trouver dans tout le royaume de France, le Dauphiné, la Bourgogne, et Paris, « une femme vierge, belle, noble, sage, humble et dévote » pour qu’elle devienne la mère du Christ !

 

  Une autre fois, un maître veut expliquer à un écolier, qui le questionne à propos du péché originel, que nous convoitons toujours ce qui est interdit. Il laisse l’enfant seul dans une chambre pour faire ses devoirs, avec interdiction de soulever un plat sous lequel est caché quelque chose. Bien entendu, l’enfant ne peut résister à la curiosité. Il soulève le plat et un oiseau s’envole ! Quand le maître rentre, l’enfant dit : « Je n’ai plus besoin de solution à ma question; en étudiant, j’ai trouvé la bonne ». On trouve encore ce récit d’une insupportable mégère qui tombe dans la rivière. Le fil de l’eau l’entraînant en aval, son mari fait mine d’aller la chercher en amont. « Allez donc plus bas ! » Lui crient ses amis. « - Eh ! Ne savez-vous pas, réplique-t-il, qu’elle fait toujours le contraire de ce qu’elle doit faire ? ».

 

  Et le conférencier de conclure avec un dernier exemple : « Le roi Philippe-Auguste avait une fois la fièvre, et voulait se désaltérer avec du vin. Or son médecin refusait de lui donner autre chose que de l’eau rougie. « Au moins, dit-il, permettez que je boive le vin d’abord et l’eau ensuite ; le mélange sera le même ». Le médecin consentit; mais quand Philippe eut bu le vin, il repoussa l’eau en disant : « Maintenant, je n’ai plus soif ».

 

 Avec tous ces apologues édifiants et comiques, le conférencier a fait passer un bien bon moment à son auditoire.

 

M-C.E

 

 

 

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Le mardi 4 décembre 2018, l’Académie a entendu une communication de

Monsieur Bernard GUASTALLA,

intitulée : « Saint Benoît-Joseph Labre en Provence (1773-1774).

La prophétie des Bellon ».

 

Lorsque Benoît-Joseph Labre meurt à Rome, le 16 avril 1783, les enfants du quartier de Notre-Dame des Monts qui se moquaient de ce miséreux en haillons, sale et couvert de vermine, crient : « Le saint est mort ! ».

 

Né en 1748 dans une famille nombreuse du diocèse de Boulogne, Benoît-Joseph aime la prière, les privations et semble destiné au sacerdoce. Lorsque, à 19 ans, il décide de devenir moine, son âge, sa santé fragile et sa difficulté à se plier aux règles de vie en communauté ne lui permettent pas l’accès aux monastères. En 1769, il est enfin admis à l’abbaye de la Trappe de Sept-Fons dans l’Allier sous le nom de frère Urbain. Mais il sera renvoyé à cause de ses peines d’esprit qui donnaient à craindre pour sa tête. Il fait alors le choix d’une vie de pèlerin mendiant. De 1770 à 1777, il parcourt l’Europe, vit de charité, visite églises et sanctuaires. Pour lui, silence et marche sont prière. Vers la fin de sa vie, il est à Rome, membre du Tiers Ordre franciscain, passe ses journées en prière, loge dans les ruines du Colisée. A sa mort, son corps est transféré dans l’église de Notre-Dame des Monts, une foule immense se presse et un premier miracle se produit.

 

Lors de son passage en Provence de la fin 1773 au début de 1774, les familles qui lui avaient offert l’hospitalité, avaient reçu en retour des faveurs et on retrouve, dans différentes localités, des traces de son passage.

En 1772, reçu au château de Viviers par la famille Lafarge qui exploite une carrière de pierres, il prononce ces paroles prophétiques : « Cette montagne vous apportera grande richesse ». On connaît la suite.

A Carpentras, il vénère le « Saint Mors » ou Saint Clou, conservé dans la cathédrale Saint Siffrein et dans laquelle se trouve une copie de son portrait.

A Aix, il est reçu et nourri par le directeur d’une hôtellerie, puis par un muletier qui est saisi par les traits de sainteté qui émanaient de son visage. Il bénéficie aussi de l’hospitalité des Chevaliers de Malte, assiste à la messe dans leur église et loge dans les combles. Un autel lui est dédié à Saint Jean de Malte avec sa statue et un ex-voto. Un vitrail le représente au collège Saint Joseph. Il fréquente aussi le couvent des Carmélites, la maison des pères Oblats.

Pour s’isoler, il rejoint chaque soir, la grotte de Chicalon, entre Meyreuil et Palette.

Les Aixois disent de lui : « C’est un saint, il prédit l’avenir ». En témoigne la prophétie de la rue du mouton. Il prédit à une jeune modiste, Félicité Raymond : « Dieu a des vues sur vous, vous fonderez une maison religieuse ». Elle prend en effet le voile et fonde à Aix le couvent des sœurs du Saint Sacrement en 1804 (Notre-Dame de la Seds).

En 1783, la fille d’un marchand est dans un état désespéré. Les parents demandent une neuvaine de prières aux religieuses. L’enfant se lève et marche : « le Saint Labre des Carmélites vient de me dire lève-toi, tu es guérie ».

Pour une enfant de 6 ans condamnée par le corps médical, la famille suspend une relique à son chevet, entreprend une neuvaine et une messe est célébrée à l’autel du Saint dans l’église Saint Jean de Malte. L’enfant se lève : « Benoît-Joseph Labre m’a guérie ». Une messe est célébrée et un ex-voto est placé à côté de la statue du Saint, avec cette inscription : « Reconnaissance à Saint Labre pour une guérison obtenue, janvier 1885 ».

 

Le 19 août 1944, Palette étant menacée de bombardement, Marie Houchart fait le vœu d’édifier une chapelle dédiée au Saint, si village et famille sont épargnés. Le vœu est exaucé. En 1956, la chapelle est inaugurée et un tableau du Saint est accroché dans le chœur. Benoît-Joseph est le patron de Palette et chaque année une procession a lieu le jour de sa fête.

A la fin de l’année 1772, Benoît trouve asile chez la famille Bellon, à Artigues, près de Rians. Il concède à son bienfaiteur le don de guérir, pendant sept générations, fractures, entorses et maux de cet ordre. Le sixième descendant de cette famille, pour mettre fin aux tracasseries judiciaires, fait entreprendre à son fils des études de médecine. Etienne Bellon, septième descendant, s’installe boulevard de la République à Aix. Une foule immense se presse devant son cabinet. A sa mort en 1959, le don s’arrête car il n’a pas de descendance : la prophétie est accomplie.

A Saint Maximin, hébergé chez André Gasq, Benoît-Joseph lui donne son bâton de coudrier : « Il vous préservera de l’incendie et des chiens enragés ». La prédiction s’accomplira. Le bâton sera plus tard offert au couvent des Dominicaines de cette localité.

 

Benoît-Joseph Labre fut chanté par les poètes, dont Germain Nouveau « frère Humilis », remarqué par les peintres qui le prennent comme modèle pour représenter la tête du Christ, cité par Balzac dans les Chouans, moqué par les chansonniers pour son manque d’hygiène (il avait fait le vœu de ne pas se laver). Verlaine écrit qu’il est : « la seule gloire française du 18ème siècle, mais quelle gloire ! », alors que Napoléon III déclare : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ».

Oratoires, portraits, statues, processions en son honneur, prédictions et guérisons sont autant de témoignages sur la vie du « routard céleste », du « mendiant étincelant ».

 

Le docteur Bernard Guastalla nous a offert une communication fort intéressante sur ce personnage atypique. Benoît-Joseph Labre, proclamé vénérable dès 1792, bienheureux en 1859, a rejoint la cohorte des Saints en 1881. Il a incarné la conscience humaine au siècle des Lumières et exerce encore une influence de nos jours. Patron des célibataires, des pèlerins, des sans abris et des itinérants, il est toujours présent à travers les colloques qui lui sont consacrés et les organismes qui se réclament de lui.

 

M.C.

 

 

 

 

 

 

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Le mardi 4 décembre 2018, l’Académie a entendu une communication de

Monsieur Bernard GUASTALLA,

intitulée : « Saint Benoît-Joseph Labre en Provence (1773-1774).

La prophétie des Bellon ».

 

Lorsque Benoît-Joseph Labre meurt à Rome, le 16 avril 1783, les enfants du quartier de Notre-Dame des Monts qui se moquaient de ce miséreux en haillons, sale et couvert de vermine, crient : « Le saint est mort ! ».

 

Né en 1748 dans une famille nombreuse du diocèse de Boulogne, Benoît-Joseph aime la prière, les privations et semble destiné au sacerdoce. Lorsque, à 19 ans, il décide de devenir moine, son âge, sa santé fragile et sa difficulté à se plier aux règles de vie en communauté ne lui permettent pas l’accès aux monastères. En 1769, il est enfin admis à l’abbaye de la Trappe de Sept-Fons dans l’Allier sous le nom de frère Urbain. Mais il sera renvoyé à cause de ses peines d’esprit qui donnaient à craindre pour sa tête. Il fait alors le choix d’une vie de pèlerin mendiant. De 1770 à 1777, il parcourt l’Europe, vit de charité, visite églises et sanctuaires. Pour lui, silence et marche sont prière. Vers la fin de sa vie, il est à Rome, membre du Tiers Ordre franciscain, passe ses journées en prière, loge dans les ruines du Colisée. A sa mort, son corps est transféré dans l’église de Notre-Dame des Monts, une foule immense se presse et un premier miracle se produit.

 

Lors de son passage en Provence de la fin 1773 au début de 1774, les familles qui lui avaient offert l’hospitalité, avaient reçu en retour des faveurs et on retrouve, dans différentes localités, des traces de son passage.

En 1772, reçu au château de Viviers par la famille Lafarge qui exploite une carrière de pierres, il prononce ces paroles prophétiques : « Cette montagne vous apportera grande richesse ». On connaît la suite.

A Carpentras, il vénère le « Saint Mors » ou Saint Clou, conservé dans la cathédrale Saint Siffrein et dans laquelle se trouve une copie de son portrait.

A Aix, il est reçu et nourri par le directeur d’une hôtellerie, puis par un muletier qui est saisi par les traits de sainteté qui émanaient de son visage. Il bénéficie aussi de l’hospitalité des Chevaliers de Malte, assiste à la messe dans leur église et loge dans les combles. Un autel lui est dédié à Saint Jean de Malte avec sa statue et un ex-voto. Un vitrail le représente au collège Saint Joseph. Il fréquente aussi le couvent des Carmélites, la maison des pères Oblats.

Pour s’isoler, il rejoint chaque soir, la grotte de Chicalon, entre Meyreuil et Palette.

Les Aixois disent de lui : « C’est un saint, il prédit l’avenir ». En témoigne la prophétie de la rue du mouton. Il prédit à une jeune modiste, Félicité Raymond : « Dieu a des vues sur vous, vous fonderez une maison religieuse ». Elle prend en effet le voile et fonde à Aix le couvent des sœurs du Saint Sacrement en 1804 (Notre-Dame de la Seds).

En 1783, la fille d’un marchand est dans un état désespéré. Les parents demandent une neuvaine de prières aux religieuses. L’enfant se lève et marche : « le Saint Labre des Carmélites vient de me dire lève-toi, tu es guérie ».

Pour une enfant de 6 ans condamnée par le corps médical, la famille suspend une relique à son chevet, entreprend une neuvaine et une messe est célébrée à l’autel du Saint dans l’église Saint Jean de Malte. L’enfant se lève : « Benoît-Joseph Labre m’a guérie ». Une messe est célébrée et un ex-voto est placé à côté de la statue du Saint, avec cette inscription : « Reconnaissance à Saint Labre pour une guérison obtenue, janvier 1885 ».

 

Le 19 août 1944, Palette étant menacée de bombardement, Marie Houchart fait le vœu d’édifier une chapelle dédiée au Saint, si village et famille sont épargnés. Le vœu est exaucé. En 1956, la chapelle est inaugurée et un tableau du Saint est accroché dans le chœur. Benoît-Joseph est le patron de Palette et chaque année une procession a lieu le jour de sa fête.

A la fin de l’année 1772, Benoît trouve asile chez la famille Bellon, à Artigues, près de Rians. Il concède à son bienfaiteur le don de guérir, pendant sept générations, fractures, entorses et maux de cet ordre. Le sixième descendant de cette famille, pour mettre fin aux tracasseries judiciaires, fait entreprendre à son fils des études de médecine. Etienne Bellon, septième descendant, s’installe boulevard de la République à Aix. Une foule immense se presse devant son cabinet. A sa mort en 1959, le don s’arrête car il n’a pas de descendance : la prophétie est accomplie.

A Saint Maximin, hébergé chez André Gasq, Benoît-Joseph lui donne son bâton de coudrier : « Il vous préservera de l’incendie et des chiens enragés ». La prédiction s’accomplira. Le bâton sera plus tard offert au couvent des Dominicaines de cette localité.

 

Benoît-Joseph Labre fut chanté par les poètes, dont Germain Nouveau « frère Humilis », remarqué par les peintres qui le prennent comme modèle pour représenter la tête du Christ, cité par Balzac dans les Chouans, moqué par les chansonniers pour son manque d’hygiène (il avait fait le vœu de ne pas se laver). Verlaine écrit qu’il est : « la seule gloire française du 18ème siècle, mais quelle gloire ! », alors que Napoléon III déclare : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ».

Oratoires, portraits, statues, processions en son honneur, prédictions et guérisons sont autant de témoignages sur la vie du « routard céleste », du « mendiant étincelant ».

 

Le docteur Bernard Guastalla nous a offert une communication fort intéressante sur ce personnage atypique. Benoît-Joseph Labre, proclamé vénérable dès 1792, bienheureux en 1859, a rejoint la cohorte des Saints en 1881. Il a incarné la conscience humaine au siècle des Lumières et exerce encore une influence de nos jours. Patron des célibataires, des pèlerins, des sans abris et des itinérants, il est toujours présent à travers les colloques qui lui sont consacrés et les organismes qui se réclament de lui.

 

M.C.

 

 

 

 

 

 

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Sciences, agriculture,

arts et belles-lettres

 Le mardi 27 novembre 2018, l’Académie a entendu

Monsieur Bertrand Morard

donner sa communication

Adieu Minerve, Cap Sicié, 27 janvier 1968, 7h 59’23’’.

 

 Cet « adieu », que l’on devine chargé d’émotion, est adressé à un submersible français « La Minerve » qui disparut corps et biens, au lieu, date, et heure, précisés dans le titre. Cinquante-deux hommes d’équipage périrent alors, engloutis non loin de Toulon, dans des fonds pouvant atteindre 2000 mètres.

 

 Il faut savoir que l’immersion maximale d’un sous-marin militaire est actuellement de 300 / 400 mètres. Ce qui constitue un grand progrès, depuis 844 avant Jésus-Christ, où trois phéniciens tentèrent de traverser le Tigre dans des outres étanches de peaux de bêtes, gonflées d’air, et lestées de pierres pour flotter sous l’eau ! Le conférencier retrace alors l’histoire de cette forme de navigation au fil des siècles. Nous retiendrons seulement qu’en 1859, des ingénieurs français conçoivent le premier sous-marin propulsé par un moteur à air comprimé, qu’ils vont améliorer par la suite, et qu’en 1904, Maxime Laubeuf construit Le Narval, équipé d’une propulsion mixte (machine à vapeur et moteur électrique). Cette conception fondamentale sera alors suivie, jusqu’aux sous-marins nucléaires.

 

 Durant la première guerre mondiale, les submersibles ont été engagés en grand nombre. En 1934, la France lance Le Surcouf. Ce navire va disparaître, percuté involontairement par un cargo américain, une nuit de février 1942, alors qu’il est obligé de recharger en surface ses batteries d’accumulateurs, tous feux de navigation éteints pour ne pas être repéré. Le schnorchel, tube à air permettant aux U-Boots d’utiliser leur moteur à diesel à faible profondeur d’immersion et de ne pas venir en surface, lui aurait permis d’éviter l’accident. Mais cet instrument ne fut inventé par les Allemands qu’en 1944. A partir de 1950, les sous-marins bénéficient de la propulsion nucléaire, comme actuellement nos six sous-marins d’attaque et nos quatre sous-marins lanceurs d’engins.

 

  La Minerve appartenait à la classe des sous-marins Daphné. Mis sur cale en 1958, il est admis au service en 1964. Son premier et unique grand carénage est effectué à Toulon en 1967, quelque mois avant sa disparition. André Fauve, 32 ans, né à Ploërmel, en est le ‘pacha’ depuis le 17 janvier 1968. Le matin du 27 janvier, La Minerve a rendez-vous avec un Breguet Atlantic de la base aéronavale de Nîmes-Garons. Il semble qu’il navigue au schnorchel, par fort mistral, peu avant sa prise de contact avec l’avion. Les derniers messages transmis et reçus par le navire à 7h 55 ne laissent rien prévoir d’inquiétant. Mais à 7 heures 59 minutes et 23 secondes, les stations sismologiques d’Isola, Serre-Ponçon, Chaudanne, Cadarache et Monaco enregistrent un signal susceptible de résulter de l’écrasement brutal vers 700 mètres d’un « récipient » contenant 600 m3 d’air. Cela pourrait correspondre à l’implosion de La Minerve. Le 4 mars 1970, un autre sous-marin de même type L’Eurydice, disparaît au large de Saint-Tropez. Il est entré en collision avec un bâtiment de surface. L’origine de la disparition de La Minerve, quant à elle, reste encore inexpliquée. Deux hypothèses sont pourtant privilégiées : noyage via le schnorchel, ou avarie de l’appareil à gouverner.

 

 Si votre curiosité vous conduit à Gouveillan, près de Narbonne, vous trouverez la rue de La Minerve. Originaire de cette commune, Marcel Costal, 19 ans, électromécanicien à bord du sous-marin, devait se marier huit jours après le 27 janvier, avec Martine, 18 ans, qui portait le fruit de leurs amours. Le général de Gaulle, chef de l’Etat, autorisa exceptionnellement leur mariage, à titre posthume.

 

  On n’est jamais trop jeune pour être confronté au malheur. Le dimanche 28 janvier au matin, Hervé Fauve, 5 ans, entend sonner à la porte d’entrée de sa maison. Il suit sa mère qui ouvre à deux officiers de Marine. Elle les reçoit au salon, et l’enfant voit sa mère s’effondrer en larmes. Ils viennent de lui annoncer ce qui est arrivé à La Minerve.

 

  Monsieur Morard, ayant lui-même servi dans les sous-marins français, nous a fait partager ses connaissances avec une grande précision historique et technique. En rendant hommage aux marins disparus, il se devait de rappeler que les drames de la mer bouleversent aussi le destin de ceux qui sont restés à terre, mais les ingénieurs savent en tirer des leçons pour l’amélioration constante de la sécurité.

M-C. E

 

 

 

 

 

 

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Le mardi 4 décembre 2018, l’Académie a entendu une communication

de Monsieur Bernard GUASTALLA,

intitulée : « Saint Benoît-Joseph Labre en Provence (1773-1774). La prophétie des Bellon ».

 

Lorsque Benoît-Joseph Labre meurt à Rome, le 16 avril 1783, les enfants du quartier de Notre-Dame des Monts qui se moquaient de ce miséreux en haillons, sale et couvert de vermine, crient : « Le saint est mort ! ».

 

Né en 1748 dans une famille nombreuse du diocèse de Boulogne, Benoît-Joseph aime la prière, les privations et semble destiné au sacerdoce. Lorsque, à 19 ans, il décide de devenir moine, son âge, sa santé fragile et sa difficulté à se plier aux règles de vie en communauté ne lui permettent pas l’accès aux monastères. En 1769, il est enfin admis à l’abbaye de la Trappe de Sept-Fons dans l’Allier sous le nom de frère Urbain. Mais il sera renvoyé à cause de ses peines d’esprit qui donnaient à craindre pour sa tête. Il fait alors le choix d’une vie de pèlerin mendiant. De 1770 à 1777, il parcourt l’Europe, vit de charité, visite églises et sanctuaires. Pour lui, silence et marche sont prière. Vers la fin de sa vie, il est à Rome, membre du Tiers Ordre franciscain, passe ses journées en prière, loge dans les ruines du Colisée. A sa mort, son corps est transféré dans l’église de Notre-Dame des Monts, une foule immense se presse et un premier miracle se produit.

 

Lors de son passage en Provence de la fin 1773 au début de 1774, les familles qui lui avaient offert l’hospitalité, avaient reçu en retour des faveurs et on retrouve, dans différentes localités, des traces de son passage.

En 1772, reçu au château de Viviers par la famille Lafarge qui exploite une carrière de pierres, il prononce ces paroles prophétiques : « Cette montagne vous apportera grande richesse ». On connaît la suite.

A Carpentras, il vénère le « Saint Mors » ou Saint Clou, conservé dans la cathédrale Saint Siffrein et dans laquelle se trouve une copie de son portrait.

A Aix, il est reçu et nourri par le directeur d’une hôtellerie, puis par un muletier qui est saisi par les traits de sainteté qui émanaient de son visage. Il bénéficie aussi de l’hospitalité des Chevaliers de Malte, assiste à la messe dans leur église et loge dans les combles. Un autel lui est dédié à Saint Jean de Malte avec sa statue et un ex-voto. Un vitrail le représente au collège Saint Joseph. Il fréquente aussi le couvent des Carmélites, la maison des pères Oblats.

Pour s’isoler, il rejoint chaque soir, la grotte de Chicalon, entre Meyreuil et Palette.

Les Aixois disent de lui : « C’est un saint, il prédit l’avenir ». En témoigne la prophétie de la rue du mouton. Il prédit à une jeune modiste, Félicité Raymond : « Dieu a des vues sur vous, vous fonderez une maison religieuse ». Elle prend en effet le voile et fonde à Aix le couvent des sœurs du Saint Sacrement en 1804 (Notre-Dame de la Seds).

En 1783, la fille d’un marchand est dans un état désespéré. Les parents demandent une neuvaine de prières aux religieuses. L’enfant se lève et marche : « le Saint Labre des Carmélites vient de me dire lève-toi, tu es guérie ».

Pour une enfant de 6 ans condamnée par le corps médical, la famille suspend une relique à son chevet, entreprend une neuvaine et une messe est célébrée à l’autel du Saint dans l’église Saint Jean de Malte. L’enfant se lève : « Benoît-Joseph Labre m’a guérie ». Une messe est célébrée et un ex-voto est placé à côté de la statue du Saint, avec cette inscription : « Reconnaissance à Saint Labre pour une guérison obtenue, janvier 1885 ».

 

Le 19 août 1944, Palette étant menacée de bombardement, Marie Houchart fait le vœu d’édifier une chapelle dédiée au Saint, si village et famille sont épargnés. Le vœu est exaucé. En 1956, la chapelle est inaugurée et un tableau du Saint est accroché dans le chœur. Benoît-Joseph est le patron de Palette et chaque année une procession a lieu le jour de sa fête.

A la fin de l’année 1772, Benoît trouve asile chez la famille Bellon, à Artigues, près de Rians. Il concède à son bienfaiteur le don de guérir, pendant sept générations, fractures, entorses et maux de cet ordre. Le sixième descendant de cette famille, pour mettre fin aux tracasseries judiciaires, fait entreprendre à son fils des études de médecine. Etienne Bellon, septième descendant, s’installe boulevard de la République à Aix. Une foule immense se presse devant son cabinet. A sa mort en 1959, le don s’arrête car il n’a pas de descendance : la prophétie est accomplie.

A Saint Maximin, hébergé chez André Gasq, Benoît-Joseph lui donne son bâton de coudrier : « Il vous préservera de l’incendie et des chiens enragés ». La prédiction s’accomplira. Le bâton sera plus tard offert au couvent des Dominicaines de cette localité.

 

Benoît-Joseph Labre fut chanté par les poètes, dont Germain Nouveau « frère Humilis », remarqué par les peintres qui le prennent comme modèle pour représenter la tête du Christ, cité par Balzac dans les Chouans, moqué par les chansonniers pour son manque d’hygiène (il avait fait le vœu de ne pas se laver). Verlaine écrit qu’il est : « la seule gloire française du 18ème siècle, mais quelle gloire ! », alors que Napoléon III déclare : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ».

Oratoires, portraits, statues, processions en son honneur, prédictions et guérisons sont autant de témoignages sur la vie du « routard céleste », du « mendiant étincelant ».

 

Le docteur Bernard Guastalla nous a offert une communication fort intéressante sur ce personnage atypique. Benoît-Joseph Labre, proclamé vénérable dès 1792, bienheureux en 1859, a rejoint la cohorte des Saints en 1881. Il a incarné la conscience humaine au siècle des Lumières et exerce encore une influence de nos jours. Patron des célibataires, des pèlerins, des sans abris et des itinérants, il est toujours présent à travers les colloques qui lui sont consacrés et les organismes qui se réclament de lui.

 

M.C.

 

 

 

 

 

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Les travaux de l’Académie

 

Le mardi 20 novembre 2018, l’Académie a entendu une communication de Monsieur Denis COUTAGNE, intitulée : « Le Musée intérieur de Julien Green ».

 

Le conférencier nous révèle que ses nombreuses rencontres avec Julien Green auraient pu aboutir à une exposition qu’ils auraient intitulée « Le musée intérieur ». Mais des difficultés matérielles et la mort de l’écrivain en 1998 mirent fin à ce projet.

En s’appuyant sur la projection de nombreuses œuvres d’art, Denis Coutagne articule son propos autour de cinq phrases tirées de l’œuvre romanesque de l’écrivain.

 

« J’avais la passion des musées ».

Qui plus que Green a visité musées, collections, expositions à Naples, à Savannah (lieu de naissance de sa mère), au Louvre, ou au musée de la préhistoire à Copenhague. Pour lui, « Un musée ressemble au cerveau d’un très vieil homme dans la mémoire de qui les plus belles époques de sa vie ne subsistent que par bribes. Ce vieillard, c’est l’humanité ».

L’intérêt de Green pour les musées se résume dans une œuvre Les porteurs de mauvaises nouvelles de Leconte de Noüy, message contraire à celui des Evangiles « porteurs de la bonne nouvelle ». Son univers artistique comprend deux ordres : le côté Olympe, beauté du corps, beauté du réel (sculpture des dieux grecs et romains) et le côté Pays lointains (images de Savannah, images d’un paradis perdu : primitifs italiens, Claude Lorrain et ses couleurs de pêche, mais aussi Klee). Son musée intérieur est marqué par un conflit intérieur violent, il en va du salut. Sans Olympe, aucune création n’est possible, sans péché, aucune beauté ne peut vous emporter. Ecrire sera du même ordre que visiter un musée.

 

« Le ciel noir dira ce qu’il a à dire »

Green a 5 ans quand il voit le ciel noir dans lequel brillaient quelques étoiles : « Cette minute fut peut-être la plus importante de ma vie ». Le thème du ciel étoilé revient souvent. Le regard dirigé vers la voûte céleste bascule dans un monde vertigineux pour atteindre le fond de l’univers et le fond de l’âme. Le monde solaire qui aveugle s’oppose au monde nocturne qui illumine et touche au divin. « J’eus la certitude qu’il existait un autre monde que celui que je voyais autour de moi, et que cet autre monde était le vrai ».

 

« Vous venez des pays lointains »

« Pays auxquels je vivais dans mon enfance, pays où le bonheur est possible, un autre monde qui se cachait derrière ce monde ». Le monde musical sera pour lui le langage où se révèle la vie intérieure, la vision d’un autre monde, la rencontre de Celui qui vient d’ailleurs. A propos de Beethoven et de l’arietta opus 111 : « Elle dit tout ce que j’aurais voulu écrire », ce morceau a été choisi par son fils pour les derniers moments de son père. La musique l’a toujours aidé à vivre et à créer. Elle est au-delà de la parole écrite, l’indicible appartient à la musique.

 

«  Les mots voient »

Sa vocation littéraire s’enracine dans une vocation de dessinateur ou de peintre. Tout jeune, il a le goût pour le dessin et calque les gravures de L’Enfer de Gustave Doré. Mais il ne sera ni peintre ni musicien. Il sera écrivain. « Ecrire, ce mot gardait toute sa magie ». Ecrire et voir ne feront qu’une seule chose : « J’écris ce que je vois. Si je ne vois pas, je ne puis écrire ». Quand il écrit, les personnages surgissent, il les voit et écrit ce qu’il voit. Il ne corrige pas ses manuscrits. Il écrit en français. Il n’y a pas de couleurs dans ses livres, il n’y a que du blanc et du noir mais ce sont les livres d’un homme qui voudrait savoir dessiner avec force.

 

« Romans, étapes d’un long voyage intérieur »

L’écriture de Green obéit à l’exigence de vérité. Le thème de l’aveu est une constante de tous ses romans. Nombre de ses héros portent un secret trop lourd pour eux. La vérité qui ne peut être dite donne naissance à des confessions, des lettres non envoyées et des romans : « Etrange besoin de dire à des milliers d’inconnus ce qu’on n’oserait confier à son meilleur ami ».

Un esprit d’apostolat l’anime. Pour lui, la référence à la Bible, seule écriture qui restera, est fondamentale. Il écrit sans rature, l’ordre des mots s’impose. On ne peut toucher à une phrase sans détruire l’image qu’elle impose.

 

Dans sa conclusion, le conférencier précise que ses réflexions touchant la nature de la création littéraire de Green ont un rapport avec sa démarche : elles révèlent le chemin mystérieux qui va vers l’intérieur. Son Frère François est l’achèvement spirituel, un musée portatif, l’œuvre qui ouvre les portes de l’Infini.

 

Denis Coutagne a présenté de façon magistrale cette communication qui associe de manière éclairante et vivante citations de Green et œuvres artistiques. Cet écrivain américain, né à Paris en 1900, qui a fait le choix de la langue française pour s’exprimer dans une œuvre romanesque monumentale justifie ce choix en ces termes : « J’aime l’énergie donnée à la syllabe finale qui prête au langage sa force contrebalancée par la douceur de ses e muets ». Il est, en 1971, le premier étranger reçu à l’Académie française.

 

M.C.

 

 

 

 

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Communication de Jean-Philippe RAVOUX le 13 novembre 2018

 

Saint-Exupéry et la philosophie

 

 

 A ceux qui s’étonneraient de voir associer le mot « philosophie » à l’auteur de Vol de nuit, le conférencier répond qu’Antoine de Saint-Exupéry fut un lecteur attentif du Discours de la méthode de Descartes, et de La République de Platon.

 Avec le premier texte, Saint-Exupéry découvre la valeur du doute, comme « méthode » de recherche pour retrouver un « esprit d’enfance », dégagé des préjugés inculqués par l’adulte et la société, afin de fonder un libre-arbitre, nécessaire à l’action et à une meilleure appréhension du monde. Saint-Exupéry ayant fait dès son plus jeune âge l’expérience de l’incommunicabilité des consciences, devient pilote d’avion, et se lance dans une odyssée planétaire. Elle le mène au Sahara, où il rencontre le « Petit Prince » ! Celui-ci en quittant sa planète est sorti de soi, pour aller vers les autres. Prenant conscience de tout ce dont souffrent les « gens sérieux », géographe, financier, allumeur de réverbère, et autres, le Petit Prince découvre l’apprivoisement, et peut alors confier à son ami pilote, le merveilleux secret : « L’essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu’avec le cœur. »

 Dans le texte de Platon, Saint-Exupéry retient la valeur pédagogique de l’allégorie et du mythe. La République a certainement inspiré le sujet et l’architecture de Citadelle, œuvre posthume de Saint-Exupéry. Socrate demande à ses interlocuteurs de se faire « par la pensée, spectateurs de la naissance d’une cité », de préférence juste. Saint-Exupéry conjugue l’enseignement d’un père, chef berbère, et la réflexion de son fils héritier, pour fonder un empire où « simplement tout puisse être fervent », et « tous les pas avoir un sens ». Si la pensée de Platon est idéaliste et théorétique, celle de Saint-Exupéry est empreinte de réalisme et d’expérience. Sa Citadelle est une demeure pérenne où des hommes créatifs et exigeants tissent entre eux des liens d‘échanges et de fraternité, dans la stabilité des rites, des fêtes, et des lois, sans lesquels « le temps coule, inutile, comme un sablier ». Dans sa Citadelle, comme dans le désert, « quelque chose rayonne en silence ».

 L’assemblée a su gré au conférencier de lui avoir rappelé que la « philosophie » de l’écrivain Saint-Exupéry s’exprime avec toute la profondeur et la beauté de la vraie poésie.

 

  M-C.E.

 

LES RESUMES DES COMMUNICATIONS DU MARDI

ANNEE 2018/2019

 

LES RESUMES DES COMMUNICATIONS DU MARDI

ANNEE 2018/2019