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LES RESUMES DES COMMUNICATIONS DU MARDI

ANNEE 2019/2020

 

 

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Le samedi 17 octobre 2020,

Le président Jean-Pierre CENTI

 

a ouvert la séance de clôture de l’année académique, année interrompue le 13 mars par la pandémie de covid 19

 

 Le Président a remercié Mesdames Antonelli, Mead, Galina, et Monsieur Max Michelard, Président de la fondation, d’avoir maintenu l’activité estivale au château, malgré la situation sanitaire.

 

 Le secrétaire perpétuel, Jean-Luc Kieffer, a fait, selon l’usage, le bilan de cette année, qui a été réduite à quinze séances au lieu de vingt-cinq, et qui a vu la reconduite du bureau. La seule vice-présidence est renouvelée par l’arrivée de M. Bernard Mille. L’Académie s’enrichit de membres titulaires, Marie-Jeanne Coutagne et Jacques Maleyran, de nouveaux membres associés, Mme Lapeyrere, MM Dureuil, de Foresta, J-P. Kieffer, Taudou, et d’un membre d’honneur, Mme de Saint-Pulgent. Le 3 mars, à l’occasion de sa réception, le professeur Charlet a fait l’éloge de Michel Horassius. Le 5 octobre, la médaille de chevalier de l’Ordre du Mérite fut remise à Max Michelard. Nous avons déploré le décès de nos confrères, André Martel, Maurice Bernard, Jean-Philippe Ravoux, et Marc Fumaroli de l’Académie française. L’éclectisme a marqué nos communications qui ont porté sur l’histoire, la peinture, l’actualité, les questions de société… Pendant le confinement, les liens ont été maintenus grâce aux visioconférences et à la parution des Echos de l’Académie recueillis et agréablement mis en page par Pierre Nalin et Frédéric Couffy. Le maire de Bouc-Bel-Air nous a remerciés pour nos prêts de livres, et nos consœurs et confrères nous ont offert leurs ouvrages : Le banquet provençal, Armand Lunel, Fortuna, La démolition du palais comtal, Le retour du Brésil. Notre bibliothécaire Amélie Ferrino a été couronnée par un prix, et le Dictionnaire des aixois célèbres commence à s’étoffer, sous l’impulsion de Bernard Guastalla.

 

 Monsieur Jean-Louis Charlet a prononcé l’Eloge de la Vertu, parcourant l’Antiquité et le Quattrocento. Il rappelle que chez les Latins, la première vertu est la force virile, même si c’est une allégorie féminine qui représente la Virtus. Pour le chrétien Lactance, être vertueux consiste à faire le bien. Pour Cicéron, c’est d’avoir un comportement en accord avec la mesure et surtout de mettre la vertu en action. Pour Macrobe, les vertus sont politiques, purificatrices, exemplaires, et sont celles de l’âme déjà purifiée. Au 15ème siècle, l’humaniste Nicccolo Perotti, bien que chrétien, ne rattache pas la vertu à son Dieu, et ne fait pas référence aux trois vertus théologales, Foi, Espérance, Charité. Mais par-delà toutes ces sources savantes, le véritable éloge de la vertu ne consiste-t-il pas essentiellement à la pratiquer dans sa vie ?

 

 Cet éloge a été suivi de la remise des prix.

1- Prix de vertu : association des Amis de Sainte-Victoire remis à M. Moze leur président - rapporteur F.Couffy

2- Prix Mignet : Roger Canonero, Raconte moi Kin, Histoires sur l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers - rapporteur Mme Duperray (texte lu par J-L Kieffer)

3- Prix Arbaud : Alexandre Mahue, Le château de la Verdière - rapporteur B. Jouishomme

4- Prix Bruno Durand : Paul Desorgues, Une enfance provençale - rapporteur J-L Kieffer

5- Prix de Lourmarin : Claude d’Arras et David Tresmontant, La forêt de Boscodon - rapporteur Bernard Fouques.

 

 La séance s’est terminée par la signature des livres sur la terrasse du château, dans une chaleureuse ambiance de retrouvailles.

 

M-C.E

 

 

 

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Le mardi 4 février 2020,

Monsieur Jacques MALEYRAN

a proposé une communication intitulée : « La naissance du festival d’Aix ».

 

L’histoire de cette naissance est celle de la rencontre, en décembre 1947, d’une femme et de deux hommes.

La femme s’appelle Lily Pastré. Elle est née en 1891 à Marseille et a eu trois enfants de son union avec le comte Pastré. Après son divorce en 1940, elle conserve son titre de comtesse et le château Pastré. C’est aussi une très riche héritière, ce qui lui permet de se laisser aller à sa passion pour la musique. Elle crée en 1940 une association d’aide à la création artistique. Vivant dans la zone libre, elle prend sous sa protection nombre d’artistes juifs dont Clara Haskil. Libre, riche, elle fait donner au château Pastré, des représentations avec une distribution prestigieuse.

Les deux hommes forment un couple, à la ville comme à la scène. Henry Lambert, ingénieur chimiste, sera l’homme des comptes, et Gabriel Dussurget, l’artiste, le créatif. Ils se connaissent depuis 1929 et ne se quitteront plus jusqu’en 1958, date du décès d’Henry. Leurs moyens financiers leur permettent de vivre en dilettante et de passer 10 ans à l’étranger dont 9 en Italie, avant de rentrer à Paris en 1938. Ils vont aux concerts, à l’opéra, se font des relations et deviennent entrepreneurs de spectacles. Lors d’un passage à Salzbourg en 1931, ils ont découvert Mozart et c’est le début d’une passion.

 

Les trois personnages se rencontrent à Paris en décembre 1947. La comtesse souhaite créer un festival à Marseille, et les deux hommes un festival Mozart. Ce sera donc un festival Mozart à Marseille. Invités au château de Montredon pour les fêtes de fin d’année, ils sillonnent Marseille à la recherche d’un lieu pour réaliser leur rêve, mais en vain. Lily Pastré leur propose alors d’aller visiter Aix. Etrange trio : deux hommes minces escortant la monumentale silhouette de la comtesse ! Ils sont sous le charme : « C’est le lieu rêvé pour un festival. Oui, Aix est la ville pour la musique ». Ils jettent leur dévolu sur la cour de l’archevêché, et décident que le premier festival aura lieu en juillet 1948.

 

Henry Lambert, l’homme des comptes, intervient : «  Tout cela est merveilleux, mais où trouver l’argent ? ». Aix, ville thermale, a un casino, et une loi de finances récente pousse les casinos à investir une partie de leurs gains dans des manifestations artistiques, en échange de détaxes fiscales. La société d’Aix-Thermal regroupe les thermes, l’usine d’eau minérale, le casino, les spectacles, la gastronomie, l’hôtellerie de haut niveau, et la promotion touristique du pays d’Aix. Grâce à la comtesse Pastré qui connaît Jean Bertrand, son PDG, rendez-vous est pris. Celui-ci les conduit chez Roger Bigonnet, administrateur chargé de la vie artistique de la société d’Aix-Thermal. En mars 1948, R Bigonnet donne son accord de principe et un contrat le finalise : une semaine de concerts et un opéra. Dussurget porte son choix sur Cosi fan tutte. Lambert s’occupe des budgets et de l’organisation matérielle, Dussurget, en tant que directeur artistique, choisit partitions, chefs, orchestres et chanteurs. Dussurget ne veut que des nouveaux talents car, pour lui, la vedette, c’est la musique et Mozart. Le 23 juillet 1948 le premier festival commence. Seront donnés aussi des concerts de clavecinistes des 17ème et 18ème siècles, et un concert de musique sacrée dans la cathédrale Saint- Sauveur. Le festival 1948 est un succès : le public est là et le bilan financier est satisfaisant. Bigonnet souhaite une saison plus ambitieuse et un grand opéra : ce sera Don Giovanni.

 

Mais tout vacille en 1972, année noire. Bigonnet n’est plus aux commandes, Bertrand fait faire de mauvaises affaires à Aix-Thermal, Dussurget est poussé vers la sortie et une commission de sécurité refuse l’agrément pour le théâtre. L’avenir est sombre : plus d’argent du casino, plus de directeur artistique, plus de salle. Grâce au maire de l’époque, Félix Ciccolini, grâce à l’appui du ministre de la culture, et à la nomination de Bernard Lefort, le festival repart en 1974. Il est toujours là, bien vivant.

Cette communication, riche en détails et anecdotes, s’appuyant sur l’actualité de l’époque et servie brillamment par notre confrère, a été saluée longuement par des applaudissements nourris.

 

M.C.

 

 

 

 

 

 

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Le mardi 28 janvier 2020,

 l’Académie a entendu Monsieur Bernard Fouques

donner sa communication La Chine en 2020.

 

 Marco Polo emploie le mot « Cathay », et les Russes le mot « Kitay » pour désigner ces terres que les Chinois nomment l’« Empire du milieu », et les Européens « Chine ». Cet immense pays de 9 600 000 km2 est le plus peuplé du monde avec ses 1 milliard 400 millions habitants, qui sont à 92% des Han. Les 8% restants sont  Tibétains, Ouïgours, Mongols, Hui, Mandchous, Zhang et Mia-Yao. Cette population présente un déficit en femmes (100 filles pour 118 garçons), une pyramide des âges défavorable, et une répartition très inégale avec sa concentration à l’Est.

 

Les religions et courants philosophiques sont le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme du grand véhicule et le bouddhisme tibétain, l’Islam, et le Christianisme. L’histoire de la Chine court, depuis 221 avant J-C jusqu’en 2013, du règne des Qin à celui de Xi Jinping, en passant par les dynasties des Ming et des Qing, et les républiques de Tchiang Kai-chek et Mao Zedong.

 

 En 2020, la République populaire de Chine est un Etat unitaire divisé en 22 provinces, 4 municipalités de rang « provincial » comme Beijing et Shanghaï, 5 régions autonomes comme la Mongolie intérieure, Xinjiang et le Tibet, 2 régions administratives spéciales, Hong Kong et Macao. Le parti communiste est la seule force politique depuis 70 ans.

 

 En Chine, la corruption et le respect des droits de l’homme posent problème. Mais, depuis l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, le pays s’est imposé comme un acteur majeur de la mondialisation. La croissance annuelle de son PIB est de 6%. C’est le premier exportateur de biens manufacturés et le principal fournisseur de produits digitaux et de haute technologie de la planète. Pour accompagner ce développement économique, des efforts considérables en infrastructures ont été réalisés dans l’Ouest et le Sud du pays.

 

 Cependant, de nombreux secteurs restent sous tutelle du régime et les entreprises étrangères désireuses d’investir doivent obligatoirement s’associer avec un acteur local et ne pas dépasser 49 % des parts… Les règles de l’OMC sont largement contournées. En outre, le pays, très dépendant du charbon, souffre d’une grande pollution. Et des menaces intérieures persistent au Tibet dans le Xinjiang, à Hong Kong et Taïwan.

 

  La politique extérieure de la Chine vise à créer, par de gigantesques investissements terrestres et maritimes, de nouvelles routes de la soie vers l’Europe via la Russie ou l’Asie centrale, l’Iran, la Turquie, l’Afrique de l’Est. La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures - AIIB-  accorde des prêts aux pays traversés qui se vassalisent en s’endettant, alors que les travaux sont souvent exécutés par des entreprises chinoises.

 

 Dans le domaine de la défense, l’armée a évolué vers une armée de niveau technologique supérieur. Les zones de conflit potentiel se trouvent dans l’Himalaya à la frontière indienne, et dans la mer de Chine face à l’US Navy. Dans le domaine aérospatial, il existe un risque d’utilisation militaire de l’espace.

 

 De ce gigantesque pays, on ne peut dire si la croissance économique se poursuivra au bon rythme, ni comment évoluera le système socio-économique. Mais l’auditoire a apprécié cette présentation synthétique et ce tour d’horizon d’un pays que l’actualité place sous ses feux à cause d’une crise épidémique pouvant affecter la planète entière.

M-C. E

 

 

 

 

 

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Le mardi 21 janvier 2020,

 

l’Académie a entendu une communication de Monsieur Jean-Yves NAUDET,

intitulée : « Les multiples vies de Pellegrino Rossi ».

 

Pellegrino Rossi (Carrare 1787 - Rome 1848) étudie le droit à Pise puis à Bologne, ville dans laquelle barreau et université remplissent sa première vie. Il exerce son métier d’avocat avec « justesse d’esprit et passion » et enseigne le droit romain et le droit criminel à l’université. Mais en 1812, la période est troublée, la chute de l’empire entraînant celle de Murat. Lorsque, en 1815, Murat revient avec son armée et entre dans Bologne, Rossi le soutient car il représente pour lui « l’indépendance nationale tant vis-à-vis de l’Autriche que vis-à-vis de Napoléon ». En effet, Murat avait affirmé : « l’Italie veut être libre et elle le sera ». Murat le nomme commissaire civil pour les provinces conquises mais le succès de Murat est de courte durée et au retour des anciens souverains, Rossi demande à la Suisse de l’accueillir.

 

C’est à Genève que Rossi vit sa deuxième vie de 1815 à 1833. Il y fonde un cours d’histoire de la Suisse, est admis comme citoyen genevois et, bien que catholique, est nommé professeur de droit dans l’université de Calvin. Elu membre du conseil législatif du canton de Genève, il participe aux travaux législatifs sur la liberté de la presse, la distinction du mariage civil et du mariage religieux, les règles du contentieux administratif. Il est député à la Diète fédérale en 1832. Son intégration est parfaitement réussie.

 

Sa rencontre avec le duc de Broglie et Guizot l’engage dans sa troisième vie, celle de Paris de 1833 à 1845. Jean-Baptiste Say, qui était le premier titulaire de la chaire d’économie politique au Collège de France, venait de mourir en 1832. Des deux candidats proposés l’un par le Collège de France et l’autre par l’Institut, Guizot, ministre de l’Instruction publique, choisit Rossi en octobre 1833. L’année suivante, Rossi est titulaire d’une chaire de droit

constitutionnel à la Faculté de droit de Paris. En 1836, il est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Le roi Louis-Philippe le nomme membre de la Chambre des pairs et l’anoblit. Belle intégration encore !! Mais rien ne fut facile : longs débats sur un recrutement sans concours et sur le fait que Rossi est étranger. Naturalisé en 1838, il est admis et prête serment. Il devient même en 1843 doyen de l’école de droit.

 

Que dire de Rossi, économiste ? Ses cours au Collège de France, publiés par lui et ses fils, portent sur la distribution de la richesse, sur les causes physiques, morales et politiques qui influent sur la production de la richesse, ainsi que sur l’impôt et le crédit.

 

Comment les économistes l’ont-ils jugé ?

De nombreuses citations éclairent le personnage. Joseph Garnier : « par la netteté de son esprit, la sagacité de sa raison, la clarté et l’élégance de son style, il a contribué à remettre les études économiques en honneur et à redresser à cet égard les esprits de son temps ». Reybaud : « Rossi est le géomètre de l’économie ». Mignet : « Il rectifie ce qui est inexact, achève ce qui est incomplet, éclaircit ce qui est obscur ». Baudrillart : « Rossi réunit deux mérites : le sens de l’historien et de l’observateur pratique, la vive dialectique et la logique serrée de l’écrivain spéculatif ». Blanqui : « Le cours d’économie politique de Rossi est un véritable traité ».

 

Citons enfin en 1892, Léon Say et Joseph Chailley : « On lui a reproché de n’avoir pas le génie de la découverte : il avait trop d’ambition pour cultiver la science avec cette ténacité qui conduit aux grandes trouvailles. Il n’est tenace que dans l’action : c’est ainsi que toute sa vie il a soutenu et propagé la doctrine de la liberté des échanges. Personne n’oserait dire qu’il n’a pas noblement et utilement employé sa vie ».

 

 Sa maîtrise des langues, sa connaissance des lois comme des hommes, son aptitude à la diplomatie le mènent vers sa quatrième vie à Rome. En 1844, il est nommé par le roi ambassadeur de France auprès du Saint Siège. Il va en un an améliorer l’influence de la France. Il s’agit de discuter du cas délicat des Jésuites et Rossi obtient que la congrégation des Jésuites cesse d’exister en France.

 

A la mort du pape Grégoire XVI, s’ouvre le conclave et Rossi a carte blanche pour favoriser l’élection d’un pape d’esprit ouvert et non hostile à la France. La révolution de 1848 en France et la chute de Louis-Philippe privent le pape de son ambassadeur. Rossi repart pour Bologne mais Pie IX le rappelle et en fait son chef de gouvernement. Rossi envisage de profondes réformes et songe à une confédération italienne. Les républicains menés par Mazzini s’inquiètent, passent à l’action et le 15 novembre 1848, Rossi est poignardé.

 

Quatre villes pour quatre vies, un vrai roman d’aventures ! Le conférencier a présenté un personnage dont la vie est surprenante, multiple et passionnante.

 

Dans sa conclusion, il nous ramène à l’Académie d’Aix. En effet, par un legs à l’Institut de France, la comtesse Rossi a créé en 1876 « le prix Rossi », pour récompenser un ouvrage sur une question d’économie politique. Le premier auteur à recevoir ce prix sera Alfred Jourdan, économiste et doyen de la faculté de droit d’Aix, mais aussi membre de notre Académie. Monsieur Naudet a permis à l’assemblée de découvrir la vie étonnante de celui qui fut à la fois, juriste, économiste et homme politique.

 

M.C.

 

 

 

 

 

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Le mardi 7 janvier 2020, Monsieur Paul DJONDANG

a proposé à l’Académie une communication intitulée :

« Le retour en force du protectionnisme : stratégie gagnante ou incertaine ».

 

Ce résumé a été rédigé par le conférencier.

 

La mondialisation actuelle touche-t-elle à sa fin ? Elle est critiquée de toutes parts, mais étonnamment surtout dans les Pays Riches. C’est également au sein de ces Grands Pays (Etats-Unis, Royaume Uni…) que la demande de protectionnisme trouve son expression politique la plus forte.

 

Ce « néoprotectionnisme » emploie des arguments et utilise des instruments qui défient l’ordre multilatéral instauré après la Deuxième Guerre Mondiale ; il relève d’un égoïsme national assumé. L’objectif de cette conférence est de montrer, à la lumière de certaines expériences du 20ème siècle, que ce retour en force du protectionnisme ne répondra pas aux attentes des populations quant à l’élévation du niveau de vie ou à la réduction des inégalités sociales qu’elles insupportent.

 

La première partie (Réformer la mondialisation ou rehausser le niveau de protectionnisme ?) présente les arguments généraux de notre problématique. Les raisons qui rendent l’option protectionniste attirante sont connues : il s’agit principalement du phénomène de « polarisation des emplois », une conséquence des spécialisations internationales impliquée par la mondialisation au sein des Economies Avancées. En effet, depuis une trentaine d’années, l’ouverture économique a vu augmenter dans ces pays les offres d’emplois à haute et faible qualification,  tandis que les offres d’emplois  à qualification moyenne se contractaient, entraînant perte de revenu et déclassement pour les classes moyennes concernées. Ce diagnostic étant admis, l’on peut se demander si le traitement du problème a bien pour solution de recourir au protectionnisme, surtout dans sa version nationaliste et agressive, quant on sait que celle-ci risque de dégénérer en guerre commerciale catastrophique. Sans aller jusque-là, est-il seulement raisonnable de renoncer aux avantages que procurent les échanges internationaux ( en termes de créations d’emplois par exemple) et de compter sur le rapatriement des productions délocalisées (relocalisation) pour redynamiser les entreprises fortement concurrencées, alors que ces stratégies n’auraient que peu d’effets sur la polarisation des emplois ? En fait, le recours au protectionnisme doit tenir compte de la structure des marchés imparfaits concernés et de la taille du pays initiateur, le dernier mot revenant (on l’oublie un peu vite) aux consommateurs.

 

La seconde partie de la conférence (La leçon des protectionnismes du 20ème siècle est-elle instructive, ou sans intérêt ?) présente deux expériences de protectionnisme ciblant des objectifs plutôt argumentés : l’une se proposait d’assurer l’essor économique « autocentré » de nombreux Pays Moins Développés, et l’autre concernait le sauvetage de l’industrie automobile américaine dans les années 1980 et 1990.

 

Dans le premier cas, l’on peut réellement parler de stratégie globale. Les pays concernés, surtout Latino-Américains, pensaient pouvoir rendre plus autonome leur croissance économique en l’orientant principalement vers la satisfaction des besoins intérieurs, plutôt que vers l’exportation, source de dépendance. Le protectionnisme était supposé abriter leurs industries d’une concurrence étrangère trop prédatrice, l’industrialisation se consolidant grâce à une « substitution (de productions locales) aux importations ». Nous expliquons pourquoi ces expériences, tentées également en Asie et en Afrique, ont donné des résultats plutôt médiocres.

 

Quant au sauvetage de l’industrie automobile américaine et de son principal pôle de production, la ville de Détroit, c’est la négligence des constructeurs locaux vis-à-vis des goûts de leur clientèle et de leur évolution qui ouvrit une brèche aux concurrents asiatiques, suivis plus tard des constructeurs européens de véhicules premiums. Cette inertie stratégique de l’industrie automobile américaine explique qu’en une vingtaine d’années, elle perdit plus de la moitié de son marché domestique, malgré les aides et le système protectionniste mis en place par l’Etat fédéral.

 

Une conférence très savante qui a éclairé l’assemblée sur le problème de l’intérêt du protectionnisme et qui a suscité de nombreuses questions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le mardi 26 novembre 2019,

l’Académie a entendu une communication

de Monsieur Philippe MALBURET, intitulée :

«  La quête des planètes extrasolaires ».

 

En 1995, deux astronomes suisses, Didier Queloz et Michel Mayor, en mission à Saint Michel l’Observatoire, découvrent en association avec le directeur de l’observatoire  de Haute Provence, Jean-Pierre Sivan, la première planète extrasolaire.

Cette découverte est une réponse partielle aux questions que se posaient, depuis l’Antiquité, certains penseurs : existe-t-il d’autres mondes, l’homme est-il unique ?

Pour Epicure (342 avJC-270 avJC), « rien ne s’oppose à l’existence d’une infinité de mondes ». Giordano Bruno (1548-1600) envisage un Univers infini peuplé de mondes identiques au nôtre. Huygens (1629-1695) pense que chaque soleil est un autre monde et  émet l’idée de la pluralité des planètes habitées. Fontenelle (1657-1757) écrit : «rien ne devrait nous intéresser davantage que de savoir comment est fait ce monde que nous habitons, s’il y a d’autres mondes semblables et qui soient habités aussi ». Pour Kant (1724-1804), « les mondes et les systèmes ne sont que de la poussière de soleils » et des univers peuvent infiniment surgir. Et enfin, Flammarion (1842-1925) publie en 1862, La pluralité des mondes habités.

 

En 1984, une étoile B Pictoris intrigue les astronomes. Elle est entourée d’un disque de poussières dont on se demande comment il peut être visible. Pendant une dizaine d’années, grâce à de nouvelles techniques et à un effort financier considérable du CRNS, on tente d’apercevoir une planète dans ce disque.

Il faut attendre 1995, pour que le spectrographe Elodie (appareil capable de détecter les déplacements de la lumière), installé à arrière du télescope de 193 cm de saint Michel permette de découvrir 51Pegb (constellation de Pégase). On a mesuré la vitesse de déplacement de l’étoile par « sa vitesse radiale ». L’exoplanète 51Pegb est très proche de son étoile dont elle fait le tour en quatre  jours alors que sa masse est comparable à celle de Jupiter : on parle d’un Jupiter chaud. Or, Jupiter accomplit sa révolution en 11,5 ans. Notre conception traditionnelle issue du système solaire ne semble pas être un modèle universel. Le nôtre serait-il un cas particulier ? La plupart des 4093 exoplanètes découvertes depuis 1995 seraient des Jupiter chauds !

 

Quelles sont les méthodes de détection des exoplanètes ? Il ya bien sûr l’observation directe, mais elle n’est pas efficace à ce jour. La méthode des « vitesses radiales » a permis de découvrir 51Pegb. La méthode des « transits » permet de découvrir la planète quand elle s’interpose entre l’étoile et nous. Grâce à un  télescope embarqué sur un satellite, on peut aussi déterminer la taille, la durée de révolution, l’éclat, la température, la composition chimique de son atmosphère. Ces deux méthodes sont utilisées pour vérifier qu’une découverte est bien une planète extrasolaire. Ainsi, les catalogues de planètes extrasolaires comportent deux classes : celles suspectées et celles confirmées.

 

Ce qui est intéressant, c’est de découvrir des exoplanètes de type terrestre. Il faut alors qu’elles répondent à des critères indispensables : distance à l’étoile, période de révolution, température, et composition chimique de son atmosphère. Ces critères varient d’une étoile à l’autre : plus une étoile est différente du Soleil et plus ces critères s’éloignent du seul modèle connu. Les astrophysiciens ont défini une zone d’habitabilité, zone qui sera plus proche de l’étoile si l’étoile est plus froide que le Soleil et zone qui s’en écartera si l’étoile est plus chaude que le Soleil.

 

Les moyens actuels ne permettent pas d’affirmer que la vie existe hors de notre planète Terre. Nous sommes submergés par la vision d’OVNI : objets visuels non identifiés. Nous pouvons aujourd’hui nous poser les mêmes questions que nos penseurs d’autrefois. Philippe Malburet nous a offert une communication passionnante qui nous amène à imaginer ce que nous apportera demain.

 

M.C.

 

 

 

 

 

 

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 Le mardi 19 novembre 2019, Mme Huguette Taviani a donné à l’Académie sa communication Guerre et paix en Provence au début du second millénaire.

 Au XIème siècle, dans une époque de guerres civiles, d’affrontements récurrents entre royaumes, comtés, principautés, et de présence sarrasine résiduelle en Provence, c’est l’Eglise, par ses conciles, qui tenta d’imposer « la Paix et la Trêve de Dieu », c’est-à-dire, d’interdire dans le temps et l’espace l’usage des armes, sous peine d’excommunication. Le moine Glaber nous a laissé, à ce sujet, des récits très intéressants. Quant aux abbayes de Cluny et de St-Victor, elles ont essayé d’exercer leur autorité sur les grands et le clergé pour calmer les turbulences. Un homme, l’archevêque Rimbaud d’Arles, fut un acteur majeur de ce mouvement pacifique. Des cartes et un arbre généalogique distribués par la conférencière ont aidé l’auditoire à mieux appréhender cette situation complexe et troublée.

 

M-C.E

 

 

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Le mardi 12 novembre 2019,

 

Madame Marie-Jeanne COUTAGNE

a proposé à l’Académie une communication intitulée :

« Maurice Blondel : ou la modernité « retournée » sur elle-même ».

Quel est le parcours du « philosophe d’Aix » ?

 

Né en 1861 à Dijon, il poursuit de brillantes études secondaires puis supérieures qui lui ouvrent les portes en 1891 de l’Ecole Normale Supérieure d’Ulm. Admis au concours de l’agrégation de philosophie en 1886, il enseigne alors successivement dans de nombreux lycées, avant d’obtenir un poste au lycée Mignet d’Aix. Il soutient sa thèse L’Action en 1893, est nommé maître de conférences à Lille. De retour à Aix comme chargé de cours à la faculté, où il est titularisé comme professeur en 1896, pour y enseigner jusqu’en 1927. De santé fragile, il est autorisé quelquefois à dispenser ses cours chez lui et vit jusqu’à sa mort en 1949 dans la maison acquise rue Roux-Alphéran.

 

Quant à la modernité « promotion du changement », c’est une modalité d’un présent qui ne cesse de se déplacer, qui se situe en rupture avec le passé. Elle se dissout dans la fluidité du temps et par sa situation perpétuellement critique. Blondel est profondément croyant et constate la rapidité de la sécularisation. Pour lui, la liberté humaine est acculée à un choix décisif : se suffire à elle-même ou consentir au transcendant. L’homme ne peut être pleinement ce qu’exigent les conditions de son action que si Dieu lui accorde librement d’être enfant de Dieu.

 

La vie de Maurice Blondel est sereine jusqu’à sa soutenance de thèse en 1893. Il traverse alors nombre d’épreuves car son verbe savant et clair n’est pas toujours reconnu. Sa thèse, à contre-courant des idées dominantes, n’est pas comprise. Sa philosophie s’enracine dans la question du sens : « La vie humaine a-t-elle un sens et l’homme a-t-il une destinée ? J’agis, sans même savoir ce qu’est l’action, sans avoir souhaité de vivre, sans connaître ni qui je suis ni même si je suis ». Pour lui, la vie ne se comprend qu’à travers un « dépassement chrétien » qui en s’ouvrant à la Grâce accomplit ainsi la destinée à laquelle chacun est appelé. Sa thèse est accueillie avec réticence, car elle propose de réintégrer l’analyse du fait religieux au cœur de la réflexion philosophique.

 

Maurice Blondel est un homme de conviction qui s’est engagé toute sa vie pour défendre la démocratie et soutenir ses amis résistants ou juifs. Il a poursuivi jusqu’à sa mort l’élaboration et la publication de ses œuvres. Ce n’est qu’en 1937 lors du Congrès Descartes à la Sorbonne qu’il aura droit à une longue ovation qui reconnaissait enfin le rayonnement d’une œuvre profonde et sincère.

Madame Coutagne a rendu hommage à Maurice Blondel à l’occasion du 70ème anniversaire de sa mort et nous a rappelé que notre confrère Maurice Flory était son petit fils. Elle a montré toute son admiration pour celui qui, pour elle, est avec Bergson le plus grand philosophe de sa génération.

 

M.C.